jeudi 5 janvier 2023

UNE OPERATION SEDUCTION DE SARKOZY AUPRES D'UNE JUSTICE DELIEE DE CONTRAINTE AU TEMPS : LE 17.5.2023, DATE DE SA DECISION SUR L'AFFAIRE BISMUTH, LA SITUATION DU PREVENU SERA COMPLIQUEE PAR SES AUTRES AFFAIRES.....

 

Procès Bismuth en appel : Nicolas Sarkozy exhorte ses juges à lui accorder une relaxe

Le procès de l’affaire de corruption dite « Paul Bismuth » s’est achevé jeudi soir sur une déclaration de l’ex-président de la République. La cour d’appel de Paris rendra sa décision le 17 mai.

Michel Deléan / Médiapart

16 décembre 2022 à 08h33

 

Nicolas Sarkozy se lève, et s’approche de la barre. Il est le dernier à prendre la parole, jeudi 15 décembre au soir, au terme des deux semaines du procès en appel de l’affaire de corruption dite « Paul Bismuth », au palais de justice de Paris. Certainement conscient de sa faible popularité au sein de la magistrature, et ne voulant pas recréer le climat d’affrontement qui régnait lors du procès en première instance voici deux ans, l’ancien chef de l’État adopte ce soir un ton doucereux et des propos mesurés.

« C’est la première fois dans ce long parcours judiciaire que je rentre dans un tribunal sans avoir le sentiment que mes juges ont un a priori », commence Nicolas Sarkozy, presque mielleux. À cet instant, il semble surmonter l’humiliation d’un nouveau procès public dans lequel, malgré la courtoisie des débats, les questions qui fâchent sont encore posées.

S’il est combatif et parfois véhément, explique-t-il, c’est pour une bonne raison. « Ce n’est pas que je veux gagner, c’est que je déteste l’injustice. J’irai jusqu’au bout. Je ne lâcherai jamais ! », s’échauffe l’ex-président. « Je ne m’excuserai pas pour un délit que je n’ai pas commis. Je me battrai jusqu’au bout parce que je suis innocent ! », lance-t-il, dans le style survolté qui lui est propre.

Nicolas Sarkozy à son arrivée à la cour d’appel de Paris, le 5 décembre 2022. © Photo Raphaël Lafargue/Abaca

L’animal politique perce encore sous le costume du prévenu. Sarko le teigneux est de retour. Dans son réquisitoire, l’avocat général avait-il cru pouvoir parler de ce dossier Paul Bismuth – une affaire de corruption de magistrat et de trafic d’influence impliquant tout de même un ex-président et son avocat –, comme du scandale le plus grave de la VRépublique ? Nicolas Sarkozy s’en étrangle de rage.

« Est-ce que monsieur l’avocat général connaît l’histoire de la VRépublique ? », vitupère l’ex-président. Il cite pêle-mêle l’affaire du Rainbow Warrior, « avec des morts », et celle des emplois fictifs de la mairie de Paris, dans laquelle « 1,5 million d’euros d’argent public ont été mis à la responsabilité de Jacques Chirac. Moi ? Pas un centime, pas un avantage ! », lance un Sarkozy indigné, sans trop de considération pour feu son prédécesseur à l’Élysée, ancien mentor et camarade de parti.

Il énumère maintenant les gardes à vue, perquisitions, interrogatoires et écoutes judiciaires qui ont émaillé son parcours depuis la fin de son mandat. Mais attention, cette fois-ci, pas question de crier à l’injustice ou à l’acharnement. « Jamais je ne me suis soustrait à la justice », clame l’ancien chef de l’État.

Quand Nicolas Sarkozy a confiance en ses juges

Il s’adresse maintenant aux trois juges de la cour d’appel de Paris, les yeux dans les yeux, et fait appel à leur « indépendance » – ce qui ne manque pas de sel. « Il vous faudra du courage, pour me juger non pas sur ce que je fus comme homme politique, mais sur ce que j’ai fait », leur dit Nicolas Sarkozy, en sollicitant une relaxe. « J’ai confiance », ajoute l’ex-président, en souriant.

Que penser de ce qui pourrait presque ressembler à une opération de séduction de la part de Nicolas Sarkozy ? – sinon qu’elle semble concertée et mûrement réfléchie. Les deux autres prévenus, l’avocat Thierry Herzog et l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert, ont adopté la même stratégie, flattant respectueusement les magistrats de la cour d’appel de temps à autre, en espérant implicitement leur clémence. Chacun prenant soin de contester les faits reprochés à partir des écoutes téléphoniques, au risque de passer pour un hâbleur ou un menteur. Pas grave.

Procès Bismuth en appel : Nicolas Sarkozy s’enferre dans ses dénégations

Jeudi après-midi, l’avocate de Nicolas Sarkozy a livré une plaidoirie intense. Comme ses confrères avant elle, Jacqueline Laffont a tenté de persuader les juges que ce dossier ne contenait aucune preuve, et qu’ils devaient au minimum laisser la place au doute, en relaxant son client.

« Ce serait vertigineux, de se dire qu’on pourrait condamner un homme sur la base d’extraits de conversations avec son avocat. Ces écoutes sont un matériau incertain, source d’erreurs, ce sont des extraits de conversations tronqués, juxtaposés pour soutenir une accusation », commence MLaffont. L’avocate dit son « effroi », décrit l’aspect « terrifiant », la « folie » d’un dossier judiciaire qui ne serait qu’une construction artificielle.

Les écoutes téléphoniques de Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog sur la ligne Bismuth, bien que validées par la Cour de cassation, posent un problème de légalité, plaide-t-elle comme ses confrères précédemment. Ces fameuses écoutes ne constitueraient, en outre, que des « indices », mais certainement pas des preuves suffisantes pour entraîner une condamnation pénale, expose Jacqueline Laffont.

Pour l’avocate de Nicolas Sarkozy, il n’y a eu aucun acte de corruption ni de trafic d’influence dans cette affaire. Il n’y a pas eu de pacte, pas d’avantage, pas d’intervention, pas de contrepartie, martèle-t-elle.

Le coup de pouce promis par Nicolas Sarkozy au profit de Gilbert Azibert, désireux de couler une retraite que l’on imagine dorée à Monaco ? L’ancien président « fait ça tous les jours pour des gens qu’il ne connaît même pas ! » C’était seulement pour faire plaisir à son ami Thierry Herzog, et il a finalement renoncé à ce piston monégasque, expose MLaffont.

Surtout, insiste l’avocate, cela n’avait « aucun lien de causalité » avec le grenouillage reproché à Gilbert Azibert auprès de ses collègues de la Cour de cassation. Revenant encore sur la difficulté à interpréter les écoutes, Jacqueline Laffont demande à la cour d’appel de ne pas condamner Nicolas Sarkozy sur les « sables mouvants et funestes de ces écoutes téléphoniques ».

À la cour d’appel, Nicolas Sarkozy crie son innocence

Mercredi et jeudi, les trois défenseurs de Thierry Herzog, Paul-Albert Iweins, Vincent Desry et Hervé Témime, ont successivement tenté de démolir l’accusation, tout en décrivant leur confrère Herzog comme un monument de gentillesse et de générosité, un avocat désintéressé, plein de tendresse et d’admiration pour son ami Nicolas Sarkozy. Émouvant.

Les avocats de Gilbert Azibert, Marie-Alix Canu-Bernard et Dominique Allegrini, ont quant à eux passé du baume sur les plaies de leur client, ancien haut magistrat à l’honneur flétri, en insistant sur le fait qu’il ne s’était prêté à aucun acte de corruption ou de trafic d’influence.

De nombreux problèmes de droit ont été soulevés pendant ce procès en appel. L’offensive de la défense pour pilonner la force probante des écoutes, sur laquelle repose le jugement de culpabilité (solidement charpenté) qui avait été rendu en première instance, donnera également de quoi réfléchir à la présidente de la chambre correctionnelle d’appel, Sophie Clément.

La magistrate a annoncé ce jeudi soir que la décision de la cour était mise en délibéré au 17 mai 2023. Rien ne dit que les autres dossiers judiciaires dans lesquels Nicolas Sarkozy est impliqué, ou simplement cité, n’auront pas évolué d’ici là.

Michel Deléan

 

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