vendredi 11 novembre 2022

"L'ETAT-NATION DU PEUPLE JUIF", NOUVEL ETAT THEOCRATIQUE, PROTECTEUR DES TURPITUDES DE NETANYAHOU ET OPPRESSEUR, PLUS QUE JAMAIS, DU PEUPLE PALESTINIEN...

Israël : vers une nouvelle théocratie au Proche-Orient ?

Pour assurer une victoire électorale qui lui permettrait d’échapper enfin à la justice, Netanyahou n’a pas hésité à admettre dans sa coalition des religieux d’extrême droite qui rêvent d’expulser tous les Palestiniens…

René Backmann   / Médiapart

2 novembre 2022 à 21h23 

 

Il y aura bientôt une théocratie supplémentaire au Moyen-Orient. Si les résultats sortis des urnes lors des élections israéliennes de mardi sont confirmés, il faudra ajouter l’État juif d’Israël aux monarchies musulmanes sunnites du Golfe et à la République islamique chiite d’Iran. La pente vers l’État religieux avait déjà été clairement amorcée en juillet 2018 lorsque la Knesset avait voté, à l’initiative du premier ministre Benjamin Netanyahou, une « loi fondamentale » de valeur pratiquement constitutionnelle qui changeait la définition de l’État adoptée en 1948 par les pionniers dans la Déclaration d’indépendance.

Définition présentée alors comme moderne et démocratique, même si les litiges liés à l’état civil et au statut personnel – mariage, divorce, pension alimentaire, garde des enfants, adoption – relevaient déjà des tribunaux rabbiniques, inspirés par la « halakha », c’est-à-dire l’ensemble des lois réglant la vie juive depuis les temps post-bibliques. Ce qui ressemblait fort aux tribunaux islamiques fondés sur la charia. Ce n’était, cependant, pas encore assez religieux pour Netanyahou et la majorité qui l’avait porté au pouvoir.

Benjamin Netanyahou, à Jérusalem, le 1er novembre 2022. © Ronaldo Schemidt / AFP
 

Selon le nouveau texte voté le 19 juillet 2018 par 62 voix contre 55 et 2 abstentions, dans un contexte de concurrence nationaliste et religieuse entre le premier ministre et son ancien disciple, devenu son rival, Naftali Bennett, Israël n’était plus un État qui « assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe et garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture », comme l’avaient voulu ses créateurs. Mais pour Netanyahou et sa majorité, « l’État-nation du peuple juif ». Le changement était capital. Car l’article premier du nouveau texte précisait que « le droit d’exercer l’autodétermination nationale au sein de l’État d’Israël est exclusif au peuple juif ».

Établissant dans le pays ce que nombre de juristes et d’organisations de défense des droits humains considèrent désormais comme un régime d’apartheid, cette loi qui définissait aussi Jérusalem comme la capitale d’Israël « complète et réunifiée », qui déclassait la langue arabe, tenue jusque-là pour la deuxième langue du pays, et qui élevait l’hébreu au rang de seule langue de l’État, considérait que distinguer les Juifs en Israël (et partout dans le monde) des non-Juifs était « fondamental et légitime ».

Ce qui, selon l’ONG israélienne de défense des droits humains, B’Tselem, signalait « à toutes les institutions d’État, non seulement qu’elles peuvent, mais qu’elles doivent, promouvoir la suprématie juive dans la région entière sous contrôle israélien ». Le vote de ce texte, on s’en souvient, avait conduit Avraham Burg, ancien député travailliste, ancien président de la Knesset et président de l’agence juive, à demander au tribunal de district de Jérusalem d’effacer son inscription en tant que Juif sur le registre de population du ministère de l’intérieur.

Fils d’un fondateur du Parti national religieux, ancien officier de la brigade parachutiste, héritier de cette « aristocratie sioniste » qui a gouverné le pays pratiquement depuis sa création, il avait expliqué à Mediapart, en janvier 2021, les raisons de sa décision. « Ce qui définit Israël, désormais, c’est le seul monopole juif. Sans l’équilibre constitutionnel des droits et libertés. En vertu de cette loi, un citoyen d’Israël qui n’est pas juif est astreint à un statut inférieur. Comparable à celui qui a été assigné aux Juifs pendant des générations. Ce qui fut odieux pour nous, nous l’infligeons maintenant à nos citoyens non-juifs. Cette législation est en fait une nouvelle définition des relations entre majorité et minorité en Israël. Elle constitue aussi un changement dans ma définition existentielle. Dans mon identité. Dans ces conditions, ma conscience m’interdit désormais d’appartenir à la nationalité juive, d’être classé comme membre de cette nation, ce qui impliquerait pour moi d’appartenir au groupe des maîtres. Statut que je refuse. »

L’apartheid, révélateur de l’impunité d’Israël

Entre l’aveuglement idéologique, le désir dévorant d’une revanche politique contre ceux qui l’avaient évincé, et la volonté, obstinée et triviale d’échapper aux griffes de la justice, il est difficile de discerner les motivations profondes de Netanyahou dans cette bataille électorale. Une chose est claire : aussi dépourvu de scrupules dans l’opposition que lorsqu’il était au pouvoir, il n’a pas hésité, pour s’assurer une majorité et obtenir des alliés dans sa bataille contre les juges, à s’entourer de colons racistes et de rabbins manipulateurs et démagogues, habitués à utiliser les ressorts de la religion pour mobiliser les foules.  

Il est ainsi allé jusqu’à inviter dans sa coalition des personnages aussi encombrants que Itamar Ben Gvir, chef du parti d’extrême droite « Sionisme religieux », rabbin de choc et héritier de feu Meir Kahane, fondateur du mouvement raciste suprémaciste juif Kach (interdit en Israël depuis 1994). Partisan de l’expulsion de tous les Palestiniens, qu’ils soient des Territoires occupés ou d’Israël, Ben Gvir qui rêve de « mettre dehors tous ceux qui traitent nos soldats de criminels » ou qui « cherchent à nuire à l’État d’Israël » pourrait même obtenir, si Netanyahou redevient premier ministre, le portefeuille de ministre de l’intérieur ou de la sécurité.

Quant au colon extrémiste Bezalel Smotrich, allié de Ben Gvir, il se déclare prêt à limoger le procureur général, à faire voter une loi donnant à la Knesset le pouvoir de casser les jugements de la Cour suprême, à persécuter les journalistes, la gauche, les Arabes, les homosexuels…

Forts du glissement continu vers la droite de la société israélienne, assurés du soutien d’une armée au sein de laquelle le poids des religieux ne cesse de croître, au point que son prochain chef d’état-major sera probablement, en janvier, pour la première fois un juif orthodoxe, « Bibi » et son clan, après avoir écarté des centristes incapables de proposer un véritable changement et balayé ce qu’il restait d’une gauche exsangue, sans idées ni courage, vont-ils vraiment choisir la voie du régime « illibéral » vers lequel ils penchent ? Ou reprendre, avec les monarchies sunnites de la région, les marchandages géopolitiques mafieux amorcés sous Trump ?

Une chose est sûre, sortis de l’histoire depuis trop longtemps, les Palestiniens seront, une fois encore les perdants. « Israël est à la veille d’une révolution religieuse, autoritaire, d’extrême droite dont le but est de détruire les infrastructures de la démocratie, estimait mercredi matin l’éditorial de Haaretz. C’est un jour noir dans l’histoire de ce pays. »

René Backmann

 

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