mardi 26 avril 2022

RIFIFI CHEZ LES VERTS AUTOUR DE SANDRINE ROUSSEAU, CANDIDATE AUX LEGISLATIVES... (1)

Législatives : Sandrine Rousseau fait les frais de l’union

La militante écoféministe, investie à Paris par Europe Écologie-Les Verts, ne figure plus dans la proposition provisoire d’accord en discussion avec l’Union populaire. Les deux partis se renvoient mutuellement la responsabilité. 

Mathieu Dejean  / Médiapart

26 avril 2022 à 08h05

Lundi 25 avril, à 16 heures, au bistrot Les Parigots, dans le Xarrondissement de Paris, Sandrine Rousseau est au téléphone, l’air grave. Au bout du fil, une amie de La France insoumise (LFI) lui annonce une nouvelle qui la fait blêmir. 

La 9e circonscription de Paris (la « 7509 », dans le jargon), dans laquelle la militante écoféministe a été investie par Europe Écologie-Les Verts (EELV) pour les élections législatives des 12 et 19 juin, ne figure plus dans la proposition d’accord, en vue d’une alliance entre le parti écologiste et l’Union populaire. 

Pantin, le 28 septembre 2021. Sandrine rousseau lors du second tour de la primaire écologiste. © Sébastien Calvet / Mediapart
 

Cette proposition d’accord, toujours fluctuante, fait l’objet d’intenses négociations depuis le 22 avril entre des responsables des deux formations – tant sur le fond du programme que sur la répartition des circonscriptions.

Mais en l’état, les faits sont là : le siège que Sandrine Rousseau briguait à l’Assemblée nationale pourrait bien lui passer sous le nez.

La disparition

Le coup est dur à encaisser pour l’économiste, finaliste de la primaire des écologistes (elle s’était inclinée avec 49 % des voix), qui a fait campagne pour Yannick Jadot malgré son exclusion du conseil d’orientation politique début mars, pour des propos très critiques à l’égard du candidat. D’autant plus que son interlocutrice lui assure que « l’oubli » (qui n’en est pas un) est dû à son propre camp. 

Contacté à ce sujet, Julien Bayou, secrétaire national d’EELV, nie la responsabilité des Verts dans cette disparition. « C’est le contraire. On l’a demandée à chaque “round” de discussions, et dans la proposition reçue à trois heures et quelques ce matin [le 25 avril – ndlr], elle ne figurait plus », affirme-t-il. 

Une proposition qui émanait, selon lui, de l’équipe de négociateurs de La France insoumise (LFI) – parmi lesquels l’eurodéputé Manuel Bompard et l’orateur national de LFI Paul Vannier. « Hier encore, le 24 avril, elle figurait dans notre dernière demande », assure Julien Bayou. 

Après « le moment Sandrine Rousseau », le féminisme cherche sa voie électorale

À La France insoumise (LFI), on défend une autre version. Le mouvement mélenchoniste, qui s’appuie sur les 22 % obtenus par Jean-Luc Mélenchon le 10 avril, lors du premier tour de l’élection présidentielle, aurait proposé deux circonscriptions à Paris aux écologistes : la 9e (celle de Sandrine Rousseau) et la 8e. C'est dans une version renvoyée par les écologistes qu'ils auraient choisi de privilégier la 5e circonscription, dans laquelle Julien Bayou, le secrétaire national du parti, est investi, à la place de la 9e. 

« EELV en veut à Sandrine Rousseau, ils essayent de régler leurs comptes, ils veulent la sacrifier au nom de l’union », estime une source du côté de l’Union populaire, qui confirme l’informationMalgré le démenti de Julien Bayou, Sandrine Rousseau juge cette explication plausible.

D'autant plus que les tenants d’une union de la gauche et des écologistes ont fait l’objet de sanctions régulières durant la campagne de Yannick Jadot – de la mise « en retrait » du porte-parole d’EELV Alain Coulombel à la suspension de Bénédicte Monville, élue écologiste à Melun, qui avait fini par dire qu’elle voterait Jean-Luc Mélenchon.  

Certains partisans de cette même ligne, comme l’ex-secrétaire fédérale des Jeunes écologistes, Claire Lejeune, ont rejoint l’Union populaire avant le premier tour de la présidentielle. « C’est la queue de comète de la campagne présidentielle, affirme Sandrine Rousseau. Leur stratégie, depuis le départ, c’est de me pousser vers LFI. Je refuse, c’est trop facile. » 

La Lilloise peut se targuer d’être devenue une personnalité médiatique depuis la primaire des écologistes. Durant sa campagne, elle a suscité l’engouement de nouveaux militants, au point d’être reconnue par une partie du mouvement féministe comme une incarnation électorale dans laquelle il se reconnaissait.

Forte de ces soutiens, très identifiés à elle, Sandrine Rousseau a tenté, durant la campagne, d’imprimer sa marque sur celle de Yannick Jadot. En vain et, le plus souvent, en créant des conflits internes qui en ont fait la bête noire de la direction et de l’équipe du candidat. 

Le prix de l’union

Depuis, Sandrine Rousseau ne cache pas avoir des vues sur le prochain congrès d’EELV, qu’elle briguerait avec un surcroît d’assurance si elle était élue députée. Mais cette possibilité pourrait donc lui échapper. D’autant plus qu’elle n’a pas d’alliés dans l’équipe qui négocie avec l’Union populaire. 

« Nous avons demandé à ce que des personnes qui font partie de la mouvance de Sandrine Rousseau soient inclues dans les négociations, mais il n’y a pas de volonté de la direction de prendre en compte cette dynamique radicale, à gauche et hors du parti qui a éclos durant la primaire des écologistes, témoigne l'élue de Paris Alice Coffin, ex-directrice de campagne de Sandrine Rousseau. On reste figé dans une composition du parti fixé par le congrès d’il y a deux ans. »

L’aile gauche d'EELV, réunie dans la motion « Le Souffle », avait aussi demandé à être représentée dans les négociations. C’était l’objet d’une contribution écrite envoyée au Conseil fédéral du 16 avril, qui s’appuyait sur l’analyse de « l’impasse » stratégique de la campagne de Yannick Jadot (qui n’a obtenu que 4,6 % des voix le 10 avril). « Comment imaginer qu’une discussion apaisée et responsable puisse s’enclencher avec nos partenaires si ce sont les mêmes aux manettes ? », interrogeait la motion. 

Endetté de cinq millions d’euros à la suite du non-remboursement de ses frais de campagne, l’appareil EELV est sous tension, d’où les frictions sur l’orientation politique de la direction. 

« EELV a mis dans l’équipe de négociation des gens historiquement opposés à LFI, c’est quand même étrange », remarque Sandrine Rousseau, citant l’ancien responsable des élections à EELV Bruno Bernard, et l’actuelle déléguée aux élections d’EELV, Hélène Hardy. Cette dernière avait mis son véto à tout accord avec LFI aux régionales en Paca en 2021. « Je doute parfois de la volonté de la direction d’arriver à un accord », ajoute Sandrine Rousseau. 

L’union de la gauche et des écologistes se fera-t-elle sans l’une de celles qui a le plus plaidé en sa faveur chez EELV ? Depuis le 24 avril, la militante écoféministe fait la promotion d’une « coalition » unitaire portée par Jean-Luc Mélenchon autour d’un « programme de gouvernement ». Une perspective capable selon elle de susciter de l’envie dans le peuple de gauche : « Ce que je veux, c’est quelque chose qui fasse se lever les gens. Les législatives doivent être une fête populaire. »

Cet accord, qui doit garantir d’après elle de « conserver les dynamiques, les identités et les histoires de chacun », est la condition sine qua non pour que la gauche et les écologistes maximisent leurs chances d'être représentés à l’Assemblée.

« LFI a la responsabilité de faire vivre cette coalition, de faire de la politique autrement. Il faut qu’ils soient responsables pour deux. Si les négociations échouent, on perd le peuple de gauche », prédit Sandrine Rousseau, comme si son sort dépendait aussi, désormais, de ses alliés insoumis. Elle refuse, en tout cas, d’être recasée dans une autre circonscription : « Je n’accepte rien d’autre que la 9. Je ne suis pas un pion qu’on balade. » 

Du côté des Insoumis, ses amis se disent bien embarrassés. « La difficulté, c’est que, même si on veut que Sandrine soit dans l’accord, ce n’est pas à nous d’en décider, confie une source insoumise. Les 11 millions d’électeurs qui ont voté à gauche et pour les écologistes ne voudraient pas qu’un accord capote sur une personne. » La vérité des prix devrait être connue dans les prochains jours : les négociations doivent aboutir au plus tard le 30 avril. 

Mathieu Dejean

 

(1) .....  qui "doute parfois de la volonté de la direction d'arriver à un accord" (avec LFI / ndlr)... Et ce ne sont pas les propos de Jadot, (qui exclut un accord sur la personne de Mélenchon), sur un plateau télé ce midi, qui nous permettront de penser le contraire.

J.P. C. 

 

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