jeudi 17 décembre 2020

"LA TEMPÊTE, THEÂTRE IMTEMPESTIF", VENT DEBOUT CONTRE L'INJUSTICE DU POUVOIR ET LE CLASSEMENT UTILITAIRE DES ACTIVITES (1)

De: L'équipe des relations avec les publics du Théâtre de la Tempête <rp@la-tempete.fr>

 

Date: 16 décembre 2020 à 16:14:24 UTC+1

Objet: Resituer notre colère…

Répondre à: rp@la-tempete.fr



 

Théâtre de la Tempête


 

 

UN THÉÂTRE INTEMPESTIF

 

 




 

© Morgane Delfosse

 

 

Cher public,

 

Nous ne pourrons donc pas vous retrouver dans l’immédiat, ni même prendre date de façon précise sans craindre de faire faux bond.

 

Cette situation est profondément injuste. Elle relève d’une inégalité de traitement devant la loi. Les commerces ont rouvert leurs portes. Pourquoi pas les lieux artistiques ? Pourtant, nous respectons scrupuleusement les normes sanitaires : distanciation, port du masque, désinfection, aération.

 

Je doute fort qu’une représentation journalière réunissant un nombre limité de spectateurs regardant en silence, dans la même direction, soit plus dangereuse que le flux ininterrompu de consommateurs dans un centre commercial tout au long d’une journée par exemple.


Les lieux de culte eux aussi ont pu rouvrir. Ce choix injuste est incompréhensible, malheureusement il n’est pas incohérent. Il s’inscrit sur une échelle de valeur nouvelle, édictée sans égards pour les principes républicains. On y hiérarchise les activités en fonction de leur utilité : "être essentiel ou ne pas être." Au bas de cette échelle, on retrouve pêle-mêle les arts, la convivialité et la jeunesse.


Faisons l’expérience, fort difficile en ces temps d’épidémie bien réelle et ravageuse, d’oublier un instant les circonstances. Que dire du tableau que nous offrent les orientations politiques de ces derniers mois ? Une société en état d’urgence prolongé qui restreint massivement les libertés, gangrénée par la violence d’État, se détournant des arts et de la jeunesse, proposant à l’un de l’argent et des larmes de crocodile, à l’autre, des psychiatres. Est-ce incohérent ? Toute ressemblance avec des régimes ayant existé est, soyez-en sûrs, fortuite.


Il ne s’agit pas ici de parler politique politicienne, mais bien de resituer notre colère qui dépasse l’inquiétude légitime que nous ressentons pour le vivier bouillonnant des compagnies indépendantes – qui sont la richesse, la diversité et le garant de la liberté de notre pratique aujourd’hui gravement fragilisée. Ces compagnies se trouvent dans l’impossibilité de jouer et de diffuser leur spectacle et, bien souvent aussi, d’amorcer leur création future. Elles subiront les conséquences des fermetures sur deux, trois, voire quatre années à venir. Combien d’entre elles seront encore debout alors ?


Cette période est dure pour tous et nous pensons à vous qui êtes privés de votre activité artistique de spectateurs. Elle est aussi éclairante, et nous décille : l’art est toujours intempestif, il n’est pas socialement utile – et d’ailleurs utile à qui ? à quoi ? Il est le lieu du divertissement, du doute, du paradoxe. Les temps sont graves, le théâtre ne l’est pas ; il est fondamentalement jeu et légèreté.


Nous revendiquons cette fonction même : désordonner joyeusement notre représentation du monde.


C’est avec ces armes que nous attendons la réouverture. Nous respecterons les règles sanitaires et le calendrier imposé, bien entendu, mais nous ne respecterons en rien cette vision du monde qui ne sait plus espérer en son propre avenir.


Clément Poirée et l’équipe du Théâtre de la Tempête

 

 

   

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris

 

(1)  Si une seule prise de position devait être retenue en défense des "arts, convivialité et jeunesse", ce pourrait être celle-ci. Merci à l'équipe du Théâtre de la Tempête.    J.P. C.

PS : sur la jeunesse, lire, juste avant sur ce blog, le poignant cri de détresse d'un étudiant. 

 

 


 

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