lundi 19 octobre 2020

FRANCOIS COQ VEUT "REDEVENIR UN HUSSARD NOIR DE LA REPUBLIQUE".

Mort de Samuel Paty : "L'islam doit faire le ménage chez lui, la République doit se reprendre"

Tribune

Par François Cocq

Publié le

Pour François Cocq, enseignant en zone d’éducation prioritaire (ZEP) et essayiste, la République devra se refonder à partir de l'école, si elle veut pouvoir vaincre l'islamisme.

Il était enseignant. À coup sûr lui aussi pensait-il que "savoir est un grand trésor" comme le dit la chanson qui a accompagné l’engagement de ceux de sa génération et de la mienne. Il était enseignant et il en est mort. Il était enseignant et c’est pour avoir accompli la mission que la nation lui avait confiée que Samuel Paty a été assassiné par l’hydre islamiste. L’attentat du 16 octobre est un nouveau franchissement de seuil.

Bien sûr parce qu’à son tour, c’est l'école qui est attaquée, et à travers elle la République. S’en prendre à l’école n’est pas neutre dans notre pays. C’est déjà avoir remonté le fil de la fondation populaire pour venir tenter de briser par la peur et l’horreur son creuset. Mais cette fois, ce n’est pas uniquement l’institution qui était visée de manière symbolique à travers l’un de ses serviteurs. Ce sont les missions mêmes qu’il accomplissait.

Pas un enseignant parmi d'autres

Samuel Paty n’a ainsi pas été choisi au hasard. Il est tombé parce qu’il enseignait le cœur de sa matière. Il faisait travailler ses élèves sur la liberté d’expression. Il apprenait aux jeunes individus à se construire en citoyens émancipés par leur propre réflexion pour devenir libres de leurs choix philosophiques, idéologiques, spirituels ou religieux. En tant qu’enseignant, il se confondait avec la mission assignée à l’école pour fonder notre peuple en tant que nation politique et la doter du principe d’organisation politique et social qu’est la laïcité.

En cela, et bien qu’il ne puisse y avoir de comparaisons et encore moins de gradations dans l’horreur des différents attentats qui ont été commis ces dernières années, l’assassinat du 16 octobre est de même nature que celui de Charlie Hebdo. Ce n’est pas un enseignant parmi d’autres qui a été visé et ce n’est donc pas simplement l’institution de manière indifférenciée ou symbolique qui est ciblée. Par-delà l’agression contre la structure républicaine, l’islamisme visait explicitement son contenu, cet universalisme dont Samuel Paty n’était pas juste le dépositaire mais dont il était le vecteur.

Des fanatiques qui chassent en meute

L’assassinat islamiste ne peut dès lors être réduit à un acte isolé. Il n’y a pas là un loup solitaire mais des fanatiques qui chassent en meute. C’est la confrontation entre deux courants de pensées qui était recherchée dans cette attaque : l’universalisme émancipateur assailli par l’islamisme, entendre l’islam politique, cette frange de l’islam qui vise à confondre le spirituel et le temporel pour mettre le second sous la coupe du premier.

L’islamisme djihadiste est un problème que le courant politique qu’est l’islamisme ne peut pas occulter, de même que l’islam lui-même ne peut évacuer la question de l’islam politique qui intervient en son nom. Emmanuel Macron, comme Sarkozy ou Hollande avant lui, a tort d’entretenir la confusion et de vouloir interférer dans le spirituel en prétendant se mêler de la formation des imams ou organiser "l’islam de France", et ce faisant enfoncer lui-même un coin dans le principe de laïcité.

Chaque religion a ses fanatiques et doit faire le ménage chez elle. Le message dès vendredi 16 octobre au soir de Hafiz Chems-eddine, Recteur de la Grande Mosquée de Paris, est de ce point de vue une prise de conscience autrement salutaire : "Je suis horrifié par le crime qui a coûté la vie à un enseignant à Conflans Sainte-Honorine. D’autant plus horrifié que cet attentat est commis au nom de ma religion, l’islam. Nous ne pouvons plus nous suffire de condamnations. Toutes les mosquées doivent agir. Et vite. Ça suffit !"

Une institution défaillante

La République doit, elle, se reprendre. Car à l’inverse de l’assassin, l’enseignant, lui, était seul. L’institution est défaillante, depuis des années. Le règne des petits chefs d’établissements managers qui cherchent par-dessus tout à ne pas faire de vague pour faire plaisir aux bureaucrates rectoraux, qui eux-mêmes construisent leur carrière à coups de statistiques bidons pour complaire à des ministres incompétents, laisse les enseignants seuls en première ligne.

Seuls face aux parents d’élèves intrusifs à qui l’on octroie une place démesurée là où l’école est aussi le lieu où l’élève devrait pouvoir entrer chaque jour en laissant à la grille le poids de tous ses déterminismes. Seuls à promouvoir une pensée raisonnée là où le pathétique spectacle médiatique déconstruit chaque soir par la petite lucarne les avancées du jour. Seuls pour une mission si grande.

"Pour faire face, à notre place, il nous faut reprendre notre bâton de pèlerins laïques, et redevenir les hussards noirs de la République."

L’heure ne peut pas une fois de plus être juste à l’unité de façade. Le 2 novembre, dans aucune école de France, nous ne devrons faire comme si rien ne s’était passé. Les cours ne peuvent pas reprendre sans que, au-delà du symbolique, nous reposions sur la table avec tous les élèves sans distinction les vertus d’une laïcité qui libère. Plus loin, la nation ne pourra pas faire l’économie de mandater les siens pour reposer au cœur du projet France, non pas un socle commun de culture et de connaissance minimaliste, mais l’élévation du niveau de savoir, de qualification et de conscience, qui seul permet l’émancipation individuelle et collective. Pour faire face, à notre place, il nous faut reprendre notre bâton de pèlerins laïques, et redevenir les hussards noirs de la République.

 

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