Mais que veut faire Darmanin avec une nouvelle loi sur l'immigration (la 29e depuis 1980) ?
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Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin espère faire adopter d’ici l’été un projet de loi qui consiste essentiellement en quelques simplifications juridiques. Le vrai enjeu est au niveau européen, mais la réforme de l’absurde système de Dublin reste au point mort à Bruxelles.
C’était au menu du conseil des ministres de ce mercredi 1er février : la présentation d’un nouveau projet de loi sur l’immigration, porté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui a pris l’habitude de résumer sa philosophie d’une formule simple, pour ne pas dire simpliste : « On est méchant avec les méchants, mais gentil avec les gentils. »
C’est qu’il s’agit de trouver un équilibre dans une Macronie chatouilleuse sur le sujet, et traumatisée par les déchirements causés il y a cinq ans par la loi Collomb (un texte pourtant tellement insignifiant que le ministère de l’Intérieur en a déjà pondu un autre). Mais il s’agit aussi de convaincre au-delà du camp présidentiel, puisque celui-ci n’a pas la majorité absolue. Depuis l’automne, Gérald Darmanin assure à ses interlocuteurs qu’il est possible de trouver une majorité avec Les Républicains (LR). Sauf que le nouveau patron de LR, Éric Ciotti, a affirmé qu’il ne voterait pas ce texte. La droite a topé avec le gouvernement sur les retraites, elle ne veut pas risquer de se compromettre en lui donnant aussi un coup de main sur l’immigration.
Le spectre d'un 49-3
À Matignon, on joue les ingénus : « Les débats devraient être apaisés, puisque le texte part des travaux des LR au Sénat… » Précisément d’un rapport du sénateur (LR) François-Noël Buffet, qui détaille à quel point le droit des étrangers est devenu une jungle. D’ailleurs, c’est d’abord au Sénat que le gouvernement envoie son texte, dont l’examen aura lieu en mars. Il espère trouver un accord avec la droite sénatoriale pour coincer ensuite les députés LR, plus réticents que leurs petits camarades de la chambre haute. Le texte est dans les tuyaux depuis l’été dernier, mais Matignon n’est pas pressé, et évoque désormais le mois de juin pour la discussion à l’Assemblée. Élisabeth Borne veut prendre le temps qu’il faut, et surtout éviter un recours au 49-3 sur un sujet aussi inflammable.
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Mais justement, qu’y a-t-il donc dans ce projet de loi, le 29e sur l’immigration depuis 1980, pour susciter autant de précautions et de passions ? Essentiellement des mesures de simplification juridique, alors que le contentieux des étrangers représente près de la moitié de l’activité de la justice administrative. Et un gage donné à l’aile gauche de la Macronie : un titre de séjour expérimental pour les travailleurs étrangers occupant des « métiers en tension ». Sauf que c’est aussi le principal motif de crispation pour LR, qui crie à la « régularisation massive ».
En réalité, rien dans ce texte ne changera fondamentalement la donne face aux défis immenses que pose le fait migratoire. L’an dernier, les entrées irrégulières dans l’Union européenne (330 000) ont atteint leur niveau le plus haut depuis 2016 : 924 000 demandes d’asile ont été enregistrées, un bond de 50 % sur un an. Ce n’est pas une énième loi nationale qui répondra à l’enjeu, mais un accord européen pour mettre fin à l’absurde règlement de Dublin, qui conduit les États à se renvoyer les migrants entre eux. Or, le « Pacte sur la migration et l’asile » est encalminé à Bruxelles, sur fond de profondes divergences entre les pays du sud, du nord, de l’est… Et cela prête beaucoup plus à conséquence que les états d’âme des uns et des autres sur la future loi Darmanin, si tant est qu’elle voie le jour.
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