« PPDA le Prince noir » de Romain Verley indigne des accusatrices de l’ex-star du JT
Isabelle Saporta, la PDG des éditions Fayard, s’indigne de la réaction des victimes présumées de PPDA et dénonce une volonté de « museler » de leur part.

JUSTICE - Le livre de Romain Verley, PPDA le Prince noir, sortira bien ce mercredi 8 février en librairies, et ce n’était pourtant pas gagné. Lundi, l’une des femmes qui accusent Patrick Poivre d’Arvor a assigné en justice Fayard, l’éditeur de l’ouvrage, pour « atteinte à la vie privée ». Elle reproche à l’auteur d’avoir révélé tous les détails de ce que lui a fait subir l’ancien présentateur télé quand elle avait 19 ans, en la nommant et sans lui en avoir parlé au préalable. Elle ne l’a d’ailleurs jamais rencontré.
Ce récit, elle ne l’a elle-même jamais rendu public mais l’auteur du livre l’a récupéré dans les extraits de son audition à la police en mars 2021. Comme le précise Le Parisien, la plaignante avait, certes, participé à une émission collective organisée par Mediapart, mais elle n’avait pas évoqué, face caméra, les faits pour lesquels elle a porté plainte en juin 2021.
Elle a donc demandé que la parution de l’ouvrage soit conditionnée à la suppression des extraits qui la concerne, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, « pour protéger sa vie privée et son entourage familial et professionnel ». Mais la justice a donné raison à Fayard qui peut donc publier cet ouvrage présenté comme un événement.
« Inciter les femmes à se taire »
Cette femme n’est pas la seule victime à avoir dénoncé les méthodes de l’auteur. Dans un mail consulté par Le Parisien, une dizaine a reproché à Romain Verley et son éditrice Isabelle Saporta d’avoir raconté sans leur accord les extraits de leurs auditions à la police.
« Vous vous êtes autorisé à relater nos histoires d’humiliations les plus intimes que certaines d’entre nous avaient choisi de réserver à la justice. Vous n’avez pas respecté notre volonté, rajoutant une nouvelle couche de violence à la violence », ont-elles écrit, dénonçant le fait que ce comportement « incite les femmes à se taire ».
« Nous sommes pourtant nombreuses à avoir confié à vos confrères et consœurs les viols et les agressions que nous avons subis. Il était inutile de forcer celles qui redoutaient l’impact du récit détaillé de leur viol sur leurs proches, leurs compagnons ou leurs enfants. Ça n’apporte rien à la démonstration. C’est blessant », poursuivent-elle, soulignant que « sur la centaine de femmes qui ont raconté ce que cela leur a coûté leur rencontre avec Patrick Poivre d’Arvor, seules quatre ont accepté de (lui) parler… »
Sollicité par Le Parisien, Romain Verley se défend ainsi : « Je suis ni le porte-parole des plaignantes, ni l’avocat de PPDA. Je suis là pour donner des faits ». Toutefois, concernant la femme ayant déposé le recours, il concède auprès du Canard Enchaîné qu’il « aurait peut-être dû effectivement la contacter. »
« La vérité journalistique n’est pas là pour faire plaisir »
De son côté, l’éditrice Isabelle Saporta, PDG des éditions Fayard, déplore la réaction des victimes et dénonce même une volonté de « museler » de leur part : « Tout a été fait selon les règles de l’art. La vérité journalistique n’est pas là pour faire plaisir. Je suis très étonnée que, venant de la part de femmes journalistes, il y ait une volonté de museler. Elles doivent comprendre que Romain Verley va les aider à mettre à bas ce système. C’est une force pour elles », assure celle qui était elle-même journaliste avant de prendre la tête de la maison d’édition.
Ce mercredi, Cécile Delarue, qui figure parmi les victimes présumées de PPDA, a réfuté ces arguments. Sur Twitter, elle explique « qu’en tant que femme journaliste et prof de journalisme », elle s’attache « surtout à montrer l’exemple », c’est-à-dire « respecter le consentement des victimes, et les protéger avant tout ».
À ce jour, 22 femmes ont porté plainte contre Patrick Poivre d’Arvor, dont 11 pour viol. « Elles décrivent un lugubre cérémonial à TF1 après les JT avec le même modus operandi et toujours dans le même lieu : son bureau comme un piège », écrit Romain Verley dans le prologue de son livre, fruit d’un an et demi de recherches.
Cet ouvrage est d’une certaine manière la suite du numéro de Complément d’enquête dédié à l’ancien présentateur du 20 heures, diffusé en avril 2022 sur France 2. Dans PPDA, Le prince noir, il dit vouloir aller plus loin pour dévoiler les contours d’un système mis en place pendant des décennies pour protéger un homme intouchable, notamment chez TF1, d’où il est parti en 2008.
(1) Bien entendu, on n'ignore pas - pour ce qu'on en sait à ce jour - que l'intéressée (non pas l'auteur d'un opus sur lequel on ne va se ruer, mais son éditrice I. Saporta) est la compagne de Y. Jadot. Bien entendu, l'on ne fait ici que donner une opinion toute personnelle, comme tout.e citoyen.ne en a le droit... sans pour autant acheter un billet pour le bal des faux-culs en cours sur un sujet d'importance pourtant, celui de faire la peau à un patriarcat compère du capitalisme.
Mais comme, en parallèle, ce sujet mobilise évidemment la justice en charge de ce dossier tous azimuts politico-médiatico-sociétal, avançons également une seconde opinion : le contexte délétère auquel nous sommes confrontés ne doit pas nous détourner de l'examen de questions plus essentielles encore : ce n'est pas l'affaire vérolée des retraites qui est la plus préoccupante ici, même si le pouvoir en profite pour diffuser un écran de fumée toxique contre un peuple fragilisé par une maltraitance générale que la crise de la pandémie a, hélas, renforcée (1). Non, l'affaire du siècle - on peut le dire - est bien celle de la survie de l'humanité et des moyens pour y parvenir.
Et là, le temps nous est compté - et pas seulement dans l'hexagone, avec un décor, radical, déjà planté : une confrontation est à l'oeuvre, à l'instigation d'un pouvoir mal élu, mais en mesure de nous imposer ses diktats si nous ne réagissons pas. Eu égard à sa capacité de nuisance - dont il compte faire usage sans modération, manifestement -, la première urgence doit être celle d'un surgissement citoyen, désobéissance civique à l'appui. Martinez ne dit rien d'autre quand il assure que, même si elle était votée, la loi sur les retraites serait combattue par d'autres moyens, en cohérence avec un Mélenchon qui rappelle que la responsabilité engagée par l'autocrate Macron lui commande d'urgence de faire machine arrière en désamorçant toutes les mèches allumées contre la stabilité de la société française, dans les domaines les plus vitaux. Mais, d'ores et déjà, c'est un voeux pieux. Et quand Frédéric Lordon, dans son style direct, explique que Macron se comporte comme un "forcené", et que "un forcené, ça se déloge", on constate qu'un stade supplémentaire est franchi - par une avant-garde plus lucide peut-être, même si la violence des mots n'est pas forcément le meilleur moyen de progresser.
Pour ma part, pourquoi m'excuserais-je d'avoir, dans ce commentaire, consciemment dérivé d'un sujet, essentiel, de société vers plusieurs autres tout aussi essentiels ? Je n'en ai pas l'intention, évidemment. Pas question de 'hors sujet' ! Dès l'instant où chacun peut, tout comme moi et tout.e autre citoyen.ne participer à un débat sans complexes, ce qui est une règle intangible de la démocratie, aujourd'hui, oui, les deux avortements pratiqués en direct par cette "faiseuse d'anges" d'un nouveau genre pratiqués par l'apprenti autocrate peuvent nous servir de repoussoir. Au fait, de quels avortements s'agit-il ? Nous les avons tou.tes en mémoire : d'abord l'action agressive du pédagogue-du-grand-débat post éruption des Gilets jaunes, reconverti ensuite en initiateur d'une Convention citoyenne pour le climat (C.C.C. ou, plus chic, 3C) mort-née, peut - j'insiste - servir de repoussoir à l'expression de tout un peuple contre un seul homme. C'est sur cette intime conviction que je laisse chacun.e à sa réflexion et à la prise de position qui devrait normalement en résulter.
Bon courage - en toute solidarité,
J.P. Carlin
(1) Et pour nous aider à prendre toute la mesure de nos responsabilités, je crois utile de faire remonter (ce qui n'était, je l'espère, pas encore aux oubliettes) un article d'un journaliste qui devrait être au premier rang de la scène médiatique, relayé sur ce même blog, récemment, et titré "Un homme contre un peuple". J'ai nommé Serge Halimi, du 'Monde diplo', (assorti du modeste commentaire citoyen associé) - et son article suit, ici.
Article du 2.2.2023, relayé par le blog 'Convergence anticapitaliste et écologique' :
MACRON OU LE CYNISME PERSONNIFIE : "SON PROJET DE CIVILISATION (...) EST SUFFISAMMENT SORDIDE POU QUE (...) MÊME CERTAINS MEDIAS [PROCHES DU] POUVOIR AIENT DÛ (...) RENDRE LES ARMES" (A)
Un homme contre un peuple
Quelques semaines après l’accession de M. Emmanuel Macron à l’Élysée, un de ses partisans, l’actuel président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, résuma la politique économique et sociale qui allait suivre : « Objectivement, les problèmes de ce pays impliquent des solutions favorables aux hauts revenus (1). » Ces privilégiés prouveraient ensuite leur reconnaissance envers leur bienfaiteur puisque, entre 2017 et 2022, du premier tour d’une élection présidentielle à l’autre, M. Macron vit son score chez les plus riches passer de 34 % à 48 %. Quand la gauche est au pouvoir, elle démontre rarement autant de maestria à satisfaire son électorat…
Le chef de l’État ayant également accru sa popularité auprès des électeurs de plus de 65 ans d’un scrutin présidentiel à l’autre, on mesure la portée du « courage » dont M. Macron se gargarise lorsqu’il cherche à convaincre le pays d’accepter une « réforme » des retraites dont les principales victimes seront les classes populaires, qui ont très majoritairement voté contre lui. Alors que sa remise en cause des conquis sociaux épargnera le capital, tout comme les retraités (même les plus aisés), elle imposera donc deux années de travail supplémentaires aux ouvriers, dont l’espérance de vie en bonne santé est inférieure de dix ans à celle des cadres supérieurs (2). Pour ceux que le salariat a souvent usés, épuisés, cassés, la ligne d’arrivée recule à nouveau. Le temps du repos, des projets, des engagements choisis sera mangé par le travail obligatoire ou par le chômage.
Et pour quelle raison cette mesure qu’aucune urgence n’appelle ? Parce que le choix du pouvoir n’est pas de remédier à la déliquescence des hôpitaux et des écoles, mais d’« abaisser le poids des dépenses de retraite » dans l’économie nationale au moment où, par ailleurs, les dépenses militaires vont s’envoler (le ministre des armées prévoit qu’elles auront doublé entre 2017 et 2030). Le projet de civilisation que de telles priorités dessinent est suffisamment sordide pour que, contrairement à ce qu’on observa lors d’un autre mouvement social immense ressemblant à celui en cours, même certains des médias les mieux disposés envers le pouvoir aient dû (provisoirement) rendre les armes (lire le texte d’Annie Ernaux « Relever la tête »).
Décidée à persévérer malgré tout, la première ministre Élisabeth Borne s’inquiète néanmoins que son texte puisse « donner du grain à moudre au Rassemblement national ». Le président qui l’a nommée n’a pas ce souci. « En 2027, a-t-il expliqué en décembre dernier, je ne serai pas candidat, je ne serai donc pas comptable de ce qui arrivera (3). » La postérité pourra donc bien retenir de sa présidence arrogante qu’elle aura servi de marchepied à Mme Marine Le Pen, l’avenir de M. Macron est assuré. Si dans les semaines qui viennent il écrase la résistance populaire et conquiert ses galons de « réformateur » auprès de la droite et de la Commission européenne, il pourra ensuite discourir à Davos ou au Qatar, et prétendre à la direction d’Uber, de BlaBlaCar ou d’une banque d’affaires internationale.
Serge Halimi
(1) M. Jean-Louis Bourlanges, cité dans « Une politique pour les riches… et alors ? », L’Opinion, Paris, 29-30 septembre 2017.
(2) Selon l’Observatoire des inégalités, l’espérance de vie à 35 ans des cadres, sans problèmes sensoriels et physiques, est de trente-quatre ans, contre vingt-quatre ans chez les ouvriers.
(3) Le Monde, 8-9 janvier 2023
(A) ... "Projet sordide" : il est rare qu'un journaliste de la qualité de Serge Halimi utilise un qualificatif aussi grave. C'est que son édito se veut une alerte - et il l'est !
L'article commence par une référence forte, celle à un Bourlanges qui n'a jamais cessé d'être un 'influenceur', que ce soit grâce à son rond de serviette passé à France Culture, en passant par le parlement de Bruxelles, pour présider aujourd'hui la commission des affaires étrangères de l'A.N. sous l'étiquette MODEM de Bayrou.
Puis,
par des phrases claires et concises, il développe une argumentation en
mesure de galvaniser le moins convaincu des citoyens, pour peu qu'il
fasse preuve d'un peu de lucidité. Il termine comme il avait commencé :
par une citation d'un cynisme supérieur même à celui d'entrée, du sieur
Bourlanges, car c'est le chef de l'Etat en fonction qui ose se
revendiquer en situation d'irresponsabilité dès 2027. A force de
décalquer le nuisible Sarkozy, n'en est-il pas devenu le clone ?
Face à l'ignoble logique affichée, on est en droit de réagir : "Si dans les semaines qui viennent il écrase la résistance populaire", il lui sera encore plus facile ensuite de "discourir à Davos ou au Qatar, et de prétendre à la direction (...) d'un banque internationale", assure S. Halimi - qui a probablement raison, hélas. Mais cette situation nouvelle, à l'urgence et à la gravité avérées, commanderait que nous prenions nos responsabilités de citoyen.nes. En d'autres termes, plus précis, le droit et le devoir du peuple à la résistance et à la désobéissance civiques devraient être à la hauteur du drame qui advient : ne plus rien céder à cet homme qui agit "contre le peuple" ! Et si cette légitime défense lui était contestée, ce peuple aurait l'obligation - 'quoiqu'il en coûte' - et solidarité à l'appui, de persévérer dans les luttes sociales et politiques afin que cette équipe, ayant franchi la ligne de l'illégitimité, rende le pouvoir au peuple !
J.P. Carlin
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