De nombreux Ukrainiens en rêvaient, la Russie l’a fait. Le pouvoir des oligarques d’Ukraine s’est beaucoup affaibli depuis le début de la guerre, en février 2022. Leur poids économique, politique ou encore médiatique y était considérable, bien davantage qu’en Russie par exemple, où la présence d’un dirigeant autoritaire comme Vladimir Poutine limite leur influence. Le nouveau classement Forbes, qui a été rendu public le 27 décembre, montre que le patrimoine des vingt plus grandes fortunes d’Ukraine a été divisé par deux depuis le début de la guerre, à 20 milliards de dollars (18,7 milliards d’euros), mais c’est surtout leur profil qui a changé. La guerre marque aussi un tournant dans le paysage du capitalisme ukrainien.

De nombreux oligarques qui occupaient le haut du classement depuis l’indépendance du pays, après la chute de l’empire soviétique, en 1991, ont été remplacés, pour la première fois, par des entrepreneurs de la tech. Ces derniers occupent désormais sept des vingt premières places. Ce secteur est l’un de ceux qui résistent le mieux à l’invasion russe. Contrairement à la sidérurgie, à l’agriculture ou encore à l’industrie minière, qui ont fait la fortune des vieux oligarques grâce à leur proximité avec le pouvoir politique, les start-up échappent plus facilement aux destructions.

Elles ont été relocalisées en un temps record à l’ouest du pays ou à l’étranger. C’est le cas de SoftServe, dont le patron fondateur, Taras Kytsmey, reconnaît tout juste avoir eu « un peu de stress » lorsqu’il a fallu déplacer les 3 500 familles de ses employés vers l’ouest de l’Ukraine, et 1 800 autres à l’étranger. Les entreprises de ce secteur ont un autre avantage de taille : elles sont internationales. SoftServe a des bureaux dans treize pays, et ses clients sont aussi, bien souvent, à l’étranger. Grammarly, qui a fait la fortune des Ukrainiens Max Lytvyn et Alex Shevchenko, numéros deux et trois du classement, a même son siège social à San Francisco.

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L’irruption des entrepreneurs de la tech dans le classement de Forbes s’explique aussi, et surtout, par la chute des capitaines d’industrie, dont les patrimoines sont amputés par les annexions et les destructions. Rinat Akhmetov a, par exemple, vu sa fortune fondre de 9,3 milliards de dollars pendant la guerre, même s’il reste l’homme d’affaires le plus riche d’Ukraine, avec un patrimoine évalué à 4,4 milliards de dollars. Des pertes si importantes qu’il a déposé plainte, en juin, contre la Russie devant la Cour européenne des droits de l’homme pour lui avoir confisqué ses actifs. Victor Pinchuk, quatrième du classement, est l’un des seuls qui n’a pas vu sa fortune fondre, alors qu’il détient pourtant de nombreuses usines dans l’est du pays. Raison avancée par Forbes : « Les deux tiers de sa richesse proviennent de biens immobiliers à l’étranger et de liquidités. »

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