dimanche 8 janvier 2023

SITUATION UBUESQUE AU MINISTERE DE LA JUSTICE

 

Éric Dupond-Moretti va-t-il nommer son futur accusateur devant la CJR ?

Ubuesque

Par

Publié le

Éric Dupond-Moretti pourrait désigner en juin le nom du futur procureur général près la Cour de cassation. Un successeur à François Molins, représentant le ministère public devant la Cour de Justice de la République… chargée de juger le garde des Sceaux, soupçonné de prise illégale d’intérêts.

C’est une situation ubuesque qui se dessine au sommet de la justice. Alors que l’actuel procureur général près la Cour de cassation, François Molins, doit quitter son poste le 30 juin prochain, la nomination de son successeur se pose dans un contexte inédit. Si en théorie c’est au président de la République de lui trouver un remplaçant, il reviendrait tout de même au ministre de la Justice de lui proposer des profils.

Or, le procureur général près la Cour de cassation représente l'accusation à la Cour de Justice de la République (CJR)… chargée de juger le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, soupçonné de prise illégale d’intérêts. Une configuration inédite, où le ministre de la Justice pourrait proposer le nom de son accusateur dans cette affaire, alors que ce dernier est renvoyé en procès devant la CJR. Il s’agit de la seule instance habilitée à juger les membres du gouvernement pour des crimes ou délits commis dans l'exercice de leur mandat.

À LIRE AUSSI :Pourquoi Dupond-Moretti va rester, malgré son renvoi devant la Cour de Justice de la République

Invité de France Inter ce vendredi 6 janvier, le garde des Sceaux a rapidement évacué cette hypothèse… mais sans franchement la réfuter. « Donc vous craignez que je désigne mon futur accusateur ? Et qu’il me soit redevable ? Pour aller jusqu’au bout des choses… », s’est d’abord étonné Éric Dupond-Moretti, interrogé par Nicolas Demorand. « Si en juin, je n’ai toujours pas de réponse de la Cour de cassation et bien ce n’est pas moi qui présenterai le nom du successeur de François Molins » a-t-il ensuite répondu.

Mis en examen en 2021

Éric Dupond-Moretti, mis en examen en juillet 2021, est accusé d'avoir profité de sa fonction pour régler ses comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir lorsqu'il était avocat. Ce qu'il conteste. Un premier dossier concerne l'enquête administrative qu'il a ordonnée en septembre 2020, visant trois magistrats du Parquet national financier (PNF). Ces magistrats avaient fait éplucher ses factures téléphoniques détaillées (« fadettes ») quand Éric Dupond-Moretti était encore une star du barreau, dans le but de débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy qu'il était sur écoutes dans l'affaire de corruption dite « Paul Bismuth ».

À LIRE AUSSI :Prise illégale d'intérêts : Dupond-Moretti veut annuler la procédure contre lui, les juges refusent


Dans un second dossier, il est reproché au garde des Sceaux d'avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d'instruction détaché à Monaco, Édouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients quand il était avocat. Éric Dupond-Moretti avait critiqué ses méthodes de « cow-boy ». Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a décidé le 15 septembre de ne pas sanctionner Édouard Levrault, estimant qu'« aucun manquement disciplinaire ne saurait lui être reproché ». Une décision qui a sonné comme un désaveu du ministre. Tout au long de l'enquête, Éric Dupond-Moretti a répété n'avoir fait que « suivre les recommandations de son administration ».

 

Aucun commentaire: