mercredi 4 janvier 2023

ANNIVERSAIRE DE CHARLIE : MALKA RAPPELLE QUE "CE SONT LES HOMMES QUI FONT LA RELIGION" - ET SOUHAITE LUI "OPPOSER UNE AUTRE VISION"... (1)

Les Matins
Provenant du podcast L'Invité(e) des Matins

Le 20 octobre 2022, une page s’est tournée. Le verdict du procès en appel des attentats de janvier 2015 est tombé. C’est la fin du volet judiciaire. Mais il n’est pas question pour autant de s’arrêter là, le combat continue, contre l'obscurantisme, contre l’"islam des ténèbres".

Avec
  • Richard Malka Avocat au barreau de Paris, spécialisé dans le droit de la presse et scénariste de bandes dessinées

Richard Malka est avocat de Charlie Hebdo, auteur du "Droit d'emmerder Dieu" (Editions Grasset, 2021), il publie en ce début d'année, Traité sur l'intolérance (Grasset, 2023), texte de sa plaidoirie prononcée au procès en appel des attentats de janvier 2015.

 

L'humanisme et la connaissance, armes de lutte contre le terrorisme

Pour Richard Malka, "les terroristes sont le produit de mensonges multiples." Il estime en effet que "si l'on veut combattre utilement le terrorisme, et plus largement le fanatisme, il faut un humanisme militant, une intransigeance sur nos valeurs républicaines. Et surtout, un amour de la liberté d'expression qui est notre arme principale contre cette vision fanatique qui produit le terrorisme."

Deux visions de l'islam se confrontent : l'islam des lumières est opposée à l'islam des ténèbres que l'auteur du Traité sur l'intolérance (Grasset, 2023) renvoie à "la soumission, à l'obéissance, au refus de la réflexion, de la raison, et de la liberté humaine". Pour faire face à cette vision obscurantiste, il souligne la nécessité de produire une connaissance avancée et précise sur l'islam : "si l'on n'historicise pas, si l'on ne fait pas d'études sur la vie de Mahomet, sur ce que voulaient dire les mots du Coran au moment où ils ont été dits, d'un point de vue historique et d'un point de vue anthropologique, alors on est dans la sacralisation, dans l'idolâtrie."

La laïcité, rempart contre le fanatisme religieux

"La liberté d'expression est l'arme qui permettrait de renverser le monde de ces fanatiques qui n'est qu'un monde de fantasmes qui n'a jamais existé que dans leurs cerveaux" insiste l'avocat de l'hebdomadaire satirique avant d'ajouter : "ce n'est pas Charlie Hebdo qui défigure le Coran. Ce sont les talibans qui nous expliquent non seulement que les femmes ne peuvent pas travailler, mais ne peuvent même pas aller à l'université. Peu importe le texte, la religion, il faut se laisser la faculté de l'interpréter car ce sont les hommes qui font la religion."

Richard Malka fait une distinction entre la libre critique d'une religion et la critique d'une communauté en raison de cette religion. Fervent défenseur de la laïcité, il déplore la disparition de "sa" gauche : une gauche "libertaire et universaliste qui s'est éradiquée elle-même, et a abandonné son électorat" qui, pour l'auteur du Droit d'emmerder Dieu (Editions Grasset, 2021), existe encore.

Charlie Hebdo a toujours œuvré dans ce sens et continue d'emprunter cette voie, souligne l'avocat du journal. C'est un journal résistant qui combat en faveur des libertés, à l'instar de son numéro anniversaire, qui sortira le 4 janvier, en mémoire des attentats de 2015. Richard Malka rappelle comment, en 2006, une Une réalisée par le dessinateur Cabu avait été déformée dans la mémoire collective : on y voyait "Mahomet éploré qui, les mains sur les yeux, disait "c'est dur d'être aimé par des cons", et le titre : "Mahomet débordé par les intégristes." Charlie Hebdo ne s'en prend pas aux musulmans, mais critique l'islam. On ne parle pas des musulmans. On se moque de l'intégrisme" et c'est là que se trouve le cœur de l'enjeu pour l'auteur.

L'islam en France : entre le marteau et l'enclume

Si Richard Malka refuse d'employer le terme "islamophobie" qu'il juge être un frein au débat républicain. Il constate cependant un racisme lié à l'islam et souligne la place difficile qu'occupent les musulmans en France : "les musulmans sont pris entre le marteau d'islamistes, pour lesquels ils ne seront jamais assez musulmans, et l'enclume de nationalistes, pour lesquels ils ne sont jamais assez européens. L'extrême droite penche du côté de l'enclume, et l'extrême gauche penche du côté du marteau."

La montée des mouvements radicaux s'explique notamment pour Richard Malka par la déchéance du modèle rêvé par l'Occident : "L'islam propose une transcendance forte là où il n'y en a plus beaucoup. L'être humain a besoin de croire à plus grand que soi. C'est tout le danger de l'époque actuelle. On n'en sortira pas si nous ne proposons pas, nous aussi, une transcendance, quelque chose qui soit plus grand. L'Europe et le capitalisme, ça ne fait plus rêver personne, et le communisme n'existe plus. Si l'on n'oppose pas une autre vision, qu'elle soit républicaine, qu'elle soit humaniste, qu'elle soit musulmane, on va au devant de gros problèmes."

 

 (1)  ... une "transcendance", certes, au sens des idéaux laïques, républicains, humanistes, - mais certainement ni musulmans (même si une lecture qui ne "défigure" pas le Coran est possible), ni catholiques (même si une lecture des grands textes de l'Eglise est également possible), etc... Mais qu'on ne se fasse aucune illusion : l'incrustation des idées religieuses, de toutes origines, est telle dans toutes les sociétés qu' "on va au devant de gros problèmes"...

J.P. C.

 

 

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