mardi 17 janvier 2023

COMBIEN DE TEMPS ENCORE LE SCANDALE DES EHPAD VA-T-IL PERDURER ?

Maltraitances en Ehpad : rien n’a été fait ou presque, regrette la Défenseure des droits

Dans un rapport publié lundi, Claire Hédon constate que seulement 9 % des recommandations qu’elle avait formulées en 2021 ont été mises en œuvre. Le ministère de la santé n’a même pas daigné apporter de « réponse explicite ».

Caroline Coq-Chodorge  /  Médiapart

16 janvier 2023 à 19h16 

 

En mai 2021, la Défenseure des droits publiait un rapport sur « les droits fondamentaux des personnes âgées » en Ehpad, accablant. Elle y dénonçait des « entraves aux droits et libertés » banalisées, de la maltraitance due à des « actes de violence ou de négligence individuels » mais aussi à de « la violence institutionnelle », due au manque de moyens. Son rapport était assorti de 64 recommandations. Dix-huit mois plus tard, et un an après le scandale national déclenché par les révélations sur le groupe Orpea (lire ici ou ), Claire Hédon publie, ce lundi 16 janvier, un suivi de ce rapport : « Le bilan est hélas nuancé », constate-t-elle.

C’est un euphémisme. Seules 9 % des recommandations ont été suivies d’effet, souvent de manière perfectible : 55 % sont en cours en réalisation ; pour 36 %, il n’y a pas eu de suite.

Le ministère de la santé n’a même pas daigné apporter de « réponse explicite quant aux 34 recommandations qui lui avaient été adressées ».

Dans un Ehpad en 2022. © Photo Aline Morcillo / Hans Lucas via AFP
 

Les saisines de la Défenseure des droits sont toujours aussi nombreuses : au nombre de 281 entre mai 2021 et décembre 2022. Près de la moitié alertent sur les entraves à la vie privée et familiale et à la liberté d’aller et venir. Pour Claire Hédon, « ces saisines confirment le caractère systémique du problème de maltraitance au sein des Ehpad ».

Des résidents ou leurs familles se plaignent toujours du manque d’hygiène apportée aux résidents, des repas trop courts, servis froids, des journées en pyjama, ou passées au lit, au détriment de la santé des personnes âgées.

Un ratio de 8 personnels pour 10 résidents

La raison en est simple, toujours la même : le manque de personnel. En mai 2021, la Défenseure des droits rejoignait une très ancienne revendication du secteur médico-social : la définition d’un ratio minimal de prise en charge. Elle recommande au minimum 8 personnels pour 10 résidents (en 2020, il y avait un peu plus de 6 personnels pour 10 résidents). Le ministère de la santé n’a jamais répondu à Claire Hédon sur cette question des ratios.

Ce manque de personnel dégrade les conditions de travail, génère absentéisme et turn-over dans le secteur médico-social, qui souffre d’un très grand manque d’attractivité. « Les vocations manquent », insiste Claire Hédon. Dans ces conditions, la promesse du gouvernement de créer 50 000 postes en 5 ans dans les Ehpad paraît difficile à tenir…

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En mai 2021, Claire Hédon s’était élevée contre les privations de liberté des résidents d’Ehpad pendant la crise sanitaire. Elle avait notamment préconisé que le ministère adopte « un cadre juridique spécifique garantissant le respect par les Ehpad du caractère nécessaire et proportionné des mesures prises dans le cadre d’une crise sanitaire ». Sur ce point, « aucune de ces recommandations n’a été mise en œuvre ».

Et les discriminations perdurent, assure-t-elle, puisque les personnes âgées en Ehpad ne bénéficient « pas toujours de l’allégement général des mesures sanitaires ». Elle a ainsi été saisie de « situations d’isolement arbitraire des résidents dans leur chambre », de « restrictions de visite », ou d’« interdictions de contact physique ».

Prévention de la maltraitance : les personnels doivent être formés

Claire Hédon attend toujours la mise en place d’un système de signalement et d’évaluation de la maltraitance dans les Ehpad. Elle avance plusieurs pistes : que les signalements reçus au 3977, le numéro unique contre la maltraitance des personnes âgées, soient remontés aux agences régionales de santé, chargées des inspections ; que les professionnels soient formés sur le sujet « dans les plus brefs délais ».

Elle regrette encore que la campagne nationale de contrôle des Ehpad, lancée par le ministère de la santé, souffre de « l’insuffisance de moyens humains » malgré le renfort de 150 postes dans les ARS. Au milieu d’octobre dernier, seuls 600 établissements, sur 7 500, ont été contrôlés, selon le ministre des solidarités Jean-Christophe Combe.

Seul motif de satisfaction : la Haute Autorité de santé a publié un « premier référentiel national destiné à l’évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux ». Seulement, l’existence de ces référentiels depuis une dizaine d’années dans les établissements n’a pas empêché la dégradation accélérée de la qualité des soins…

Le ministère de la santé s’était encore engagé à rendre publics « dix indicateurs clés » sur chaque établissement, pour informer les résidents et leurs familles, sans effet jusqu’ici. La Défenseure des droits va plus loin en préconisant la publication d’« enquêtes annuelles de satisfaction ». La réponse des pouvoirs publics n’est toujours « pas à la hauteur des atteintes aux droits dénoncées ».

Caroline Coq-Chodorge

 

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