jeudi 8 décembre 2022

NON, IL Y A PEU DE CHANCES QUE LES" GEANTS DES HYDROCARBURES" VEUILLENT ENTENDRE QUOI QUE CE SOIT !... ET ALORS, QUELLE SOLUTION DE CONTRAINTE ?

 

Au rapport

Les investissements monstres des géants des hydrocarbures toujours loin de préparer un monde à 1,5°C

Au lieu de réduire drastiquement leur production de pétrole et de gaz, les producteurs d’énergie font l’inverse et continuent à miser sur des projets incompatibles avec l’accord de Paris, selon un rapport de Carbon Tracker publié ce jeudi.
 
par Margaux Lacroux /  Libération
publié le 8 décembre 2022 à 1h00
 

Début 2021, l’Agence internationale de l’énergie envoyait un message limpide, censé marquer un tournant : pour limiter les dégâts du changement climatique, il faut arrêter immédiatement d’investir dans de nouveaux projets d’énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon). «Aucun champ gazier et pétrolier nouveau n’est nécessaire au-delà de ceux déjà approuvés», appuyaient les experts, car la production d’hydrocarbures doit chuter de 22% d’ici à 2030 et de 44% d’ici à 2035 par rapport à 2019. Du moins si l’on veut respecter la trajectoire qui mène à la neutralité carbone en 2050 et ainsi ne pas dépasser un réchauffement climatique de +1,5°C, comme le prévoit l’accord de Paris. Plus ce seuil sera dépassé, plus l’humanité s’exposera à une augmentation rapide du niveau des océans et des événements extrêmes dévastateurs tels que les inondations, les canicules, les pluies diluviennes, les mégafeux…

Pourtant, les compagnies gazières et pétrolières, responsables d’une bonne partie des émissions de gaz à effet de serre, semblent encore loin d’avoir intégré cette logique. Selon le rapport du think tank britannique Carbon Tracker publié ce jeudi matin, les mastodontes des énergies fossiles continuent à aller dans le mauvais sens. D’abord, au lieu de planifier une chute des hydrocarbures dès maintenant, nombreux sont ceux qui comptent augmenter leur production au cours de la prochaine décennie.

Par rapport aux niveaux de 2019, Chevron mise sur +16% d’extraction d’hydrocarbures d’ici à 2026, quand la hausse prévue est de +8% pour ExxonMobil, +15% pour Petrobras et +16% pour Saudi Aramco en 2027. «Eni, Shell et TotalEnergies envisagent de réduire leur production de pétrole mais d’augmenter celle de gaz», poursuit le rapport. Au final, la production d’hydrocarbures de TotalEnergies devrait bondir de 13% d’ici à 2030.

Sur la vingtaine de compagnies passées au crible, seul BP se démarque. L’entreprise prévoit une chute à la fois de son pétrole et de son gaz, de l’ordre de 43% d’ici 2030, «ce qui est largement conforme à une trajectoire de 1,5°C», précise Carbon Tracker. C’est malheureusement la seule bonne nouvelle.

«Catastrophe climatique»

Les géants de l’énergie ne peuvent pas se contenter d’augmenter la part d’investissement dans les énergies renouvelables sans renoncer au développement des énergies polluantes, rappelle le rapport de Carbon Tracker. «Les sociétés pétrolières et gazières se vendent comme faisant partie de la solution au changement climatique, tout en planifiant simultanément des augmentations de production qui conduiraient à une catastrophe climatique. Les entreprises ne peuvent pas prétendre être alignées sur les objectifs climatiques mondiaux à moins qu’elles ne prévoient de réduire leur production», tance Thom Allen, un des auteurs, dans le communiqué du think tank.

Le rapport insiste aussi sur le fait qu’installer des technologies de capture et stockage du CO2 sur les sites d’extraction de gaz et de pétrole ne dédouane pas de réduire drastiquement la production.

Pour taper au portefeuille, Mike Coffin, autre auteur du rapport, invite les investisseurs à «examiner attentivement les plans de dépenses des entreprises» qu’ils financent. En 2021 et au premier trimestre de 2022, 62% du total des investissements des compagnies n’étaient pas alignés sur une trajectoire compatible avec +1,5°C, selon Carbon Tracker. Le secteur des hydrocarbures semble plutôt préparer le terrain pour un monde infernal dans lequel l’humanité continuera à brûler beaucoup trop de gaz et de pétrole. «Chevron, Eni, Shell, TotalEnergies et d’autres entreprises ont approuvé un investissement total de 58 milliards de dollars qui ne sera nécessaire que si la demande de pétrole et de gaz augmente au point de pousser les températures mondiales au-delà de 2,5°C», pointe Carbon Tracker.

TotalEnergies, particulièrement mauvais élève

TotalEnergies serait particulièrement mauvais élève. En 2021 et au premier trimestre de 2022, la multinationale «a consacré près de 7 milliards de dollars – soit plus que toute autre grande entreprise cotée en Bourse – à des projets» de ce type. Parmi eux, le contesté méga projet d’oléoduc en Afrique. Il est composé d’un côté de «Tilenga», un forage de 419 puits en Ouganda, dont un tiers dans un parc naturel, et de «Eacop» (East African Crude Oil Pipeline), le plus long oléoduc chauffé au monde, destiné à transporter les hydrocarbures jusqu’à l’Océan indien en traversant la Tanzanie.

Depuis quelques années, des voix s’élèvent pour prendre le mal à la racine en interdisant l’extraction des combustibles fossiles et demandent un traité de non-prolifération qui reprendrait le modèle de celui existant pour les armes nucléaires. En octobre, peu avant la COP27 en Egypte, le Parlement européen s’y est dit favorable. Si le sujet est loin de faire consensus au niveau international, il est théorie possible qu’un petit groupe de pays décide d’adhérer à ce traité, qui serait placé sous l’égide de l’ONU. Mais le contexte de crise énergétique ne constitue pas un cotexte favorable.

 

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