jeudi 8 décembre 2022

FACE A UNE "TRIPLE EPIDEMIE", COMMENT PASSER L'HIVER ?

Grippe, bronchiolite, Covid-19 : quelle est l’ampleur de la "triple épidémie" ?

Passer l’hiver

 

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Alors que la neuvième vague de Covid-19 a débuté en France, la grippe et la bronchiolite circulent particulièrement tôt cette année. Une triple épidémie qui inquiète les autorités sanitaires, alors que les campagnes de vaccination anti-Covid et antigrippales patinent.

Dans quel état passerons-nous l’hiver ? Alors que le risque de black-out énergétique plane, on redoute la propagation des maladies respiratoires hivernales dans les hôpitaux. Les autorités sanitaires ont alerté sur le risque de triple épidémie : alors que les chiffres du Covid-19 repartent à la hausse, les virus responsables de la bronchiolite et de la grippe se répandent également.

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La bronchiolite, qui peut provoquer des formes graves chez les nourrissons, et la grippe, qui comporte surtout un risque pour les personnes âgées et fragiles, sont des infections saisonnières récurrentes. Mais elles circulent conjointement particulièrement tôt cette année et semblent provoquer plus de cas que les années qui ont précédé l’arrivée du Covid-19. Une situation « complètement inédite », affirme Santé Publique France.

Des épidémies conjointes

Comme avant l’arrivée du Covid-19, le nombre de passages aux urgences pour bronchiolite a commencé à augmenter début septembre. D'habitude, les poussées de bronchiolite précèdent celles de grippe. Mais cette dernière a fait son retour plus tôt cette année qu’entre 2015 et 2019. Ainsi, sur l’avant-dernière semaine de novembre, Santé Publique France évoque une « augmentation précoce des indicateurs de la grippe ». « En semaine 47 (du 21 au 27 novembre), le taux de consultations pour syndrome grippal (...) était de 154 pour 100 000 habitants, en forte augmentation par rapport à la semaine précédente », et ce dans toutes les classes d’âge, notent les autorités sanitaires. Entre 2015 et 2019, ce niveau avait été atteint quelques semaines plus tard.

Les cas de Covid-19, eux, sont repartis à la hausse mi-novembre. Pour la semaine 47, Santé Publique France évoque « une accélération de la circulation du SARS-CoV-2 ». Résultat : une propagation conjointe des virus responsables de ces trois pathologies. « On a de plus en plus de passages aux urgences qui se révèlent positifs à un des virus responsables d’une de ces trois pathologies. On voit que les trois circulent de manière importante en même temps », confirme Jean-Michel Pawlotsky. Cette co-circulation inquiète, car les hospitalisations pour ces trois pathologies augmentent aussi, ce qui peut mettre à mal la prise en charge hospitalière. Fin novembre, 3 007 enfants, dont 95 % de moins d’un an, étaient hospitalisés pour une bronchiolite, alors que 142 personnes étaient hospitalisées après un passage aux urgences pour syndrome grippal. À l’heure actuelle, 20 000 personnes sont prises en charge pour Covid-19.

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Or, de nombreux soignants dénoncent depuis des mois le manque de personnel à l’hôpital. La propagation de la bronchiolite vient ainsi surcharger des services de pédiatrie qui souffrent de la pénurie d'infirmiers. Le 30 novembre, un collectif de professionnels de santé, dont 400 chefs de service et l’ensemble des sociétés savantes de pédiatrie, appelait Emmanuel Macron à intervenir sans délai pour la pédiatrie dans une tribune au quotidien Le Monde – les alertes des semaines précédentes étant restées lettre morte. Ils évoquent notamment les transferts d’enfants vers des hôpitaux moins chargés, l'annulation de soins, des reports de chirurgie… Or l’épidémie ne semble pas avoir entamé sa décrue : les services de pédiatrie devraient donc rester sous tension dans les semaines à venir.

Une suite incertaine

Et il est impossible de savoir jusqu’où monteront ces courbes. Les indicateurs épidémiques de la bronchiolite sont déjà « à des niveaux très élevés et supérieurs aux épidémies des dix dernières années », note Santé Publique France. Pendant la semaine du 21 au 26 novembre, les hospitalisations pour bronchiolite représentaient pour la quatrième semaine consécutive la moitié des hospitalisations après un passage aux urgences chez les enfants de moins de deux ans, et cette proportion continue d’augmenter.

« On ne peut pas non plus anticiper pour la grippe, d’autant que cette infection provoque parfois plusieurs pics épidémiques », explique Jean-Michel Pawlotsky. Une inconnue qui plane aussi sur la neuvième vague de Covid-19. « Cette recrudescence est liée à un variant, BQ.1.1, que l’on connaît assez mal », explique Samuel Alizon. Ce sous-lignage d’Omicron représentait la moitié des nouveaux cas mi-novembre et continuait d’augmenter. « Et la France est un des premiers pays où il se répand, donc on n’a pas vraiment d’idée de la répercussion sur l’hôpital », continue l'épidémiologiste.

Peut-on compter sur une protection croisée entre les différents virus ? « Il n'y a pas d’immunité croisée entre eux : être infecté par l'un ne protège pas contre les autres », insiste Samuel Alizon. On peut être porteur de la grippe et du Covid-19 par exemple. En revanche, la circulation de la grippe et de la bronchiolite pourraient être facilitées cette année. « Avec les confinements et autres mesures barrières pour lutter contre la propagation du Covid, il est possible que la proportion d’immunisés contre ces virus soit plus faible », continue le spécialiste. Et qu'ils se répandent plus facilement dans la population.

Gestes barrières et vaccination

« Il ne faut être ni rassuriste ni catastrophiste, on savait que ces trois épidémies auraient lieu, mais il faut se protéger avec les armes que nous avons », insiste Jean-Michel Pawlotsky. Et d’évoquer les faibles niveaux de vaccination contre le Covid-19 et la grippe. Pour le coronavirus, au 28 novembre, chez les 60-79 ans, 7,2 % avaient reçu un rappel adapté au variant Omicron, et 31,6 % étaient considérés comme protégés par la vaccination. Cela équivaut, dans cette tranche d’âge, à avoir reçu sa dernière piqûre il y a moins de six mois. Chez les plus de 80 ans, 9,4 % des 80 ans ont eu une injection adaptée à Omicron et 13 % sont protégés par la vaccination. Dans cette classe d’âge, cela correspond à une vaccination il y a moins de trois mois.

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« Un renforcement de la vaccination s’impose, notamment par un rappel avec un vaccin bivalent (contre la souche initiale et le variant Omicron) chez les primo-vaccinés éligibles (dès 3 mois ou 6 mois après la dernière injection selon les recommandations en vigueur) », insiste Santé Publique France. Pour la grippe, le ministère de la Santé évoquait 7 millions de doses injectées au 18 novembre. Lundi 5 décembre, l'OCDE insistait sur la nécessité pour la France de « redoubler d'efforts » en la matière après un « démarrage bien plus lent » que les années précédentes, qui fait « craindre un retour au niveau de couverture » pré-Covid, soit autour de 50 % des plus de 65 ans. La suite des épidémies dépendra aussi forcément de l'application des gestes barrières, notamment le port du masque. Pour l'instant, le gouvernement semble hostile à l'obligation du port du masque dans les transports, sans l’exclure totalement en cas de dégradation des indicateurs.

 

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