Brigitte Giraud et son Goncourt ont un point commun avec Annie Ernaux, prix Nobel 2022
Lauréate du prix Goncourt pour son roman « Vivre vite », Brigitte Giraud n’écrit pas sur l’intime pour parler d’elle, mais pour résonner avec le collectif, l’histoire et l’époque.
LITTÉRATURE - Victoire pour Brigitte Giraud. Ce jeudi 3 novembre, l’écrivaine française de 56 ans a reçu la plus prestigieuse des récompenses littéraires : le prix Goncourt pour son dernier livre, Vivre vite, paru aux éditions Flammarion au mois d’août et succédant ainsi à celui de Mohamed Mbougar Sarr, lauréat de l’édition précédente.
« C’est un livre poignant qui, sous une apparence très simple, pose une question très grave. Il interroge le destin : ’Et si j’avais fait ça, est-ce que les choses auraient été changées ?’ C’est ce qu’on passe notre vie à faire. Interroger le destin, c’est une démarche grave et elle l’a parfaitement mise en lumière », a soufflé le président du jury, Didier Decoin.
Dans Vivre vite, Brigitte Giraud revient sur la mort accidentelle de son mari, et plus particulièrement sur ce mardi 22 juin 1999, date à laquelle Claude a démarré trop vite à bord d’une moto trop puissante, qui n’était pas la sienne et dont il est tombé, sans jamais n’avoir pu se relever.
Intime et collectif
L’histoire de Vivre vite, c’est celle d’un engrenage d’événements improbables et hasardeux. C’est aussi celle d’un hommage. « Je savais depuis longtemps qu’il fallait que j’écrive ce livre. Le livre qui soit à la hauteur de Claude, de notre histoire d’amour, celui qui embrasse tout ça et qui recherche la vérité, toutes les vérités », a confié son autrice à l’AFP, avant de préciser qu’elle n’aurait pas pu le faire plus tôt. « Il fallait que je sois à bonne distance. »
Ce livre, il parle d’elle, mais aussi de nous. C’est un livre qui, selon l’écrivaine interrogée par Laure Adler au micro de France Inter, en septembre dernier, est une enquête. Une enquête dans laquelle elle a donné du sens à tous ces questionnements que nous, en tant qu’êtres humains, avons autour du destin et du cours des choses qui détermine nos existences.
Son rôle d’écrivaine lui permet de « mener une enquête à la fois intime, plus sociale, plus historique, plus politique autour de l’époque, autour de la fin du siècle dernier ». « Je peux, en écrivant, faire un lien avec notre époque d’aujourd’hui, estime-t-elle. Ce qui m’intéresse dans l’idée de l’intime, ce n’est pas tant d’écrire sur moi. Ça, ça n’a pas grand intérêt. Ça a de l’intérêt dans la mesure où ça résonne avec le collectif. »
Des mots pour « conjurer le sort »
Ces propos ne sont pas éloignés de ceux qu’on prête souvent à l’œuvre d’Annie Ernaux, grande lauréate du prix Nobel 2022 de littérature. L’autrice de La place et L’événement, dont les textes autobiographiques ont beaucoup à dire des relations entre les femmes et les hommes, a par exemple été saluée par Emmanuel Macron, lors de son sacre, au nom de « la liberté des femmes et des oubliés du siècle ».
Grâce à ses romans, dans lesquels elle dissèque aussi la passion amoureuse et le poids de la domination des classes sociales, la nobéliste écrit, selon le président de la République, « depuis cinquante ans, le roman de la mémoire collective et intime de notre pays ».
Ce qui frappe Brigitte Giraud chez Annie Ernaux, c’est quand elle évoque « le rapport à la perte », comme dans Une femme, roman paru en 1987 sur la mort de sa mère. « C’est apprendre à perdre, observe la lauréate du Goncourt chez France Culture, à la fin du mois d’octobre. C’est un long parcours. Il faut apprendre à vivre sans ou à vivre avec ce qui n’est plus. Et donc refaire, recomposer une mémoire à partir de vides et de trous de mémoire. »
Comme Annie Ernaux, elle pense qu’écrire permet d’activer la mémoire. « C’est le seul moment où on s’arrête de cavaler et d’être dans l’action. La recherche du mot juste nous invite à rechercher l’instant dans sa limpidité et sa justesse. Je suis d’accord avec tous les mots qu’Annie Ernaux peut dire les uns à la suite des autres », concède Brigitte Giraud. Un point de vue qu’elle a réémis ce jeudi devant la presse, rappelant que « les mots aident à conjurer le sort ».
(1) ..... même si l'on aurait préféré que l'auteur de l'article évite d'introduire Macron dans le sujet, où il n'a manifestement pas sa place. Que sait-il des "oubliés du siècle" ? Et que peut-il dire de pertinent sur "le roman de la mémoire collective et intime de notre pays" ?
J.P. C.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire