COP27
COP27 : 28,5 milliards pour sortir deux pays du charbon
Port de Jakarta, en Indonésie, janvier 2022. - © Adek Berry / AFP
Le G20 va verser 20 milliards de dollars pour aider l’Indonésie à sortir du charbon. Un an plus tôt, 8,5 milliards étaient promis à l’Afrique du Sud. Cela va-t-il changer la donne ? Les chercheurs s’interrogent.
20 milliards de dollars (19,3 milliards d’euros) débloqués par des pays riches et des institutions internationales pour aider l’Indonésie à réduire sa dépendance au charbon. Voilà ce qu’a annoncé la Maison-Blanche le 15 novembre en marge du sommet des grandes économies du G20 à Bali. En à peine un an, une coalition (dont les États-Unis et l’Union européenne) a réussi à débloquer successivement 8,5 et 20 milliards de dollars [1] pour aider l’Afrique du Sud et l’Indonésie à sortir du charbon et initier leur transition énergétique. Si cette « amorce » est intéressante, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a été clair : il faudra dix fois plus de fonds dans les cinq prochaines années (98 milliards [2]) et jusqu’à vingt-cinq fois plus (250 milliards [3]) sur trente ans pour réussir cette transition.
Les deux pays sont en effet très dépendants du charbon. L’électricité sud-africaine est alimentée à 70 % par ce combustible fossile, l’électricité indonésienne à 62 %. La situation de l’archipel est toutefois plus complexe car le minerai constitue une ressource centrale pour l’économie locale.
Indonésie : réinventer son économie
Concernant l’Indonésie, les informations sont limitées : le pays devra détailler son plan d’investissement dans les six prochains mois. L’archipel s’est d’ores et déjà engagé à ce que son secteur électrique atteigne son pic d’émissions de gaz à effet de serre avant 2030 et la neutralité carbone en 2050 (dix ans plus tôt que précédemment). En 2030, les renouvelables devront alimenter 34 % du réseau, contre 16,7 % en 2019.
- Des inondations à l’est de Jakarta, en 2017. La mégalopole de 30 millions d’habitants s’enfonce inexorablement. Flickr / CC BY-NC-ND 2.0 / World Meteorological Organization
Pour le quatrième pays le plus peuplé au monde, les défis sont nombreux. Cinquième émetteur de gaz à effet de serre mondial, l’archipel dispose d’importantes ressources charbonnières : il est même le premier exportateur mondial (un tiers du charbon exporté provient de ce pays) et le troisième producteur mondial. Le chapelet d’îles est aussi très vulnérable au changement climatique : l’Indonésie va déménager sa capitale de Jakarta à Nusantara, sur l’île de Bornéo, à cause de la montée des eaux et d’un affaissement progressif des sols de Djakarta.
Afrique du Sud : sauver un réseau électrique vieillissant
Signé lors de la COP26 à Glasgow, le programme pour une transition énergétique juste (Just energy transition partnership, Jet-P) sud-africain s’accompagne d’un plan d’investissement sur cinq ans (2023-2027) présenté par le président Ramaphosa en ouverture de la COP27. Le plan vise « la mise à l’arrêt des centrales au charbon, le financement d’emplois de substitution dans les zones d’extraction houillère, des investissements pour faciliter et accélérer le déploiement des énergies renouvelables — notamment le solaire — et des investissements dans les nouveaux secteurs de l’économie verte », détaille l’Élysée. Il s’appuie sur trois piliers : la sortie du charbon, la transition vers les véhicules électriques et le développement de l’hydrogène vert. Deux technologies aux atouts environnementaux cependant discutables.
Concrètement, sur les quinze mines de charbon du pays, une dizaine devrait fermer dans les prochaines années, a promis la ministre sud-africaine de l’environnement. Quatre sont d’ores et déjà pointées dans le plan d’investissement. Dans l’est du pays, la province de Mpumalanga, dotée d’une petite dizaine de mines, sera particulièrement aidée.
- La centrale d’Arnot alimentée au charbon dans la province de Mpumalanga en Afrique du Sud. Wikimedia / CC BY-SA 3.0 / Gerhard Roux
Pour l’État sud-africain, ce plan de transition énergétique a des airs de plan de sauvetage, raconte Le Monde. Depuis plusieurs années, les difficultés se sont accumulées pour la compagnie publique d’électricité sud-africaine Eskom. En 2021, seuls 60 % de la capacité du réseau vieillissant étaient exploités et les coupures d’électricité monnaie courante. Le Jet-P pourrait permettre à la première puissance industrielle africaine de réaliser un système électrique stable et décarboné.
Les pays aidés toujours plus endettés ?
Pour Martha Torres Gunfaus, chercheuse à l’’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), bien que ce type de décisions soit « encourageant », il peut aussi être perçu comme « un signal d’alarme » qui montre que la réponse internationale est inadaptée aux besoins des pays en développement. « Le système des donateurs, dans lequel les pays développés fixent les conditions du soutien financier, doit céder la place à de véritables partenariats, dans lesquels les pays en développement dirigent et s’approprient les plans d’investissement et les politiques dédiées à leurs transitions », analyse-t-elle.
Le directeur de l’Iddri, Sébastien Treyer, lors d’un point presse, en amont de la COP27, s’interroge : « Ces projets sont-ils capables de changer la donne ? Est-ce qu’ils partent bien des besoins des pays ? Sont-ils bien ancrés dans un débat entre les acteurs du pays, plutôt que par des conditionnalités par les pays donateurs ? Est-ce que les emplois, l’industrialisation, la justice seront au cœur de la discussion ? »
La majorité des fonds alloués sont des prêts
Le site Climate home news a dénoncé, en amont de la COP27, le fait que seuls 3 % du budget destiné à l’Afrique du Sud soient des subventions. La majorité des fonds sera investie sous forme de prêts ou de garanties financières, qui endettent toujours davantage les pays en développement. Un écueil régulièrement dénoncé par les ONG concernant l’aide déployée par les pays du Nord vers ceux du Sud pour lutter contre le changement climatique. Enfin, le président sud-africain a clairement expliqué que les fonds seraient insuffisants. « Le Jet-P est une invitation aux investisseurs locaux et internationaux, ainsi qu’aux donateurs pour établir des partenariats pour avancer vers une transition énergétique juste », est-il précisé dans le plan d’investissement. L’identité de ces soutiens pourrait aussi être cruciale.
Lors du G7 en juin dernier, des accords similaires avaient été lancés avec le Sénégal, le Vietnam et l’Inde. Les négociations sont toujours en cours.
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