Propos jugés racistes à l'Assemblée nationale : les députés votent une exclusion de 15 jours de Grégoire de Fournas
Orange avec Media Services, publié le vendredi 04 novembre 2022 à 16h40
Le bureau a demandé la sanction
maximale à l'encontre du député du Rassemblement national (RN), qui a
tenu des propos jugés racistes jeudi dans l'hémicycle pendant la prise
de parole du député LFI Carlos Martens Bilongo.
Une sanction rare sous la Cinquième République. Le bureau de l'Assemblée
nationale, sa plus haute instance, a proposé vendredi 4 novembre,
l'exclusion durant 15 jours du député RN Grégoire de Fournas, auteur
jeudi de propos dans l'hémicycle jugés racistes, a annoncé la présidente
de l'Assemblée nationale. Les députés ont validé dans l'hémicycle,
par un vote assis-debout en milieu d'après-midi, cette "censure avec
exclusion". Grégoire de Fournas a l'interdiction de paraître au Palais
Bourbon pendant quinze jours de séance et se voit privé de la moitié de
son indemnité parlementaire pendant deux mois.
La présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a aussitôt demandé à l'élu
RN de quitter l'enceinte du Palais Bourbon. =1emGrégoire de Fournas a
reconnu avoir lancé jeudi "qu'il retourne en Afrique" lors d'une
intervention de l'élu LFI Carlos Martens Bilongo, qui s'exprimait sur le
"drame de l'immigration clandestine" pendant la séance de questions au
gouvernement. =1emLe député de Gironde a ensuite catégoriquement nié
tout caractère raciste, assurant parler du bateau humanitaire Ocean
Viking bloqué en mer avec 234 migrants, et pas de Carlos Martens
Bilongo, élu noir du Val-d'Oise. Il a dénoncé une "manipulation de LFI"
visant à lui prêter des "propos dégueulasses".
Une décision rarissime
L'incident a provoqué une vague d'indignation jusqu'au plus haut niveau de l'Etat.
Il
avait entraîné la fin prématurée de la séance de questions au
gouvernement, une décision rarissime prise par la présidente de
l'Assemblée. "Le racisme, quelle qu'en soit la cible, est la négation des valeurs républicaines
qui nous rassemblent dans cet hémicycle", a déclaré vendredi la
titulaire du perchoir, après le vote de la sanction. Grégoire de Fournas
est le deuxième député exclu temporairement du Palais Bourbon depuis
l'instauration de la Ve République en 1958.
Le premier avait été l'élu apparenté PCF Maxime Gremetz en mars 2011,
pour une altercation en raison de... voitures ministérielles, mal garées
selon lui.
Nupes et camp présidentiel plaidaient pour la sanction "la plus lourde" contre le député RN. "La question de sa démission se pose", a lancé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin vendredi sur BFMTV et RMC,
ajoutant qu'il signerait une pétition du groupe Renaissance réclamant
son départ. Les Verts et des élus LFI demandent aussi sa démission.
La patronne des députés RN Marine Le Pen a quitté la réunion du bureau
avant la décision. Elle critique une "procédure où on est jugé par nos
adversaires politiques" et un "mensonge" de LFI sur l'incident.Sans les
RN, les autres élus ont soutenu la sanction à l'unanimité. A
l'initiative de LFI, un rassemblement de soutien au député Carlos
Martens Bilongo, s'est tenu à la mi-journée aux abords de l'Assemblée,
réunissant quelques centaines de personnes. "Ma personne a été attaquée
mais aussi les personnes qui me ressemblent. Des millions de Français
ont été attaqués hier. En 2022, nous ne devons pas laisser place à ces
idées", a affirmé le député francilien, entouré d'élus de gauche et de
Jean-Luc Mélenchon.
"J'assume totalement"
Sur BFMTV vendredi, Grégoire de Fournas, qui "assume
totalement ses propos sur la politique migratoire anarchique", a exclu
toute démission et accuse Carlos Martens Bilongo d'avoir "senti un coup à
jouer dans la victimisation communautaire".Carlos Martens Bilongo fustige lui la "phrase raciste" venue d'un élu d'un parti d'extrême droite qui "n'a jamais changé".
Après la sanction, le député RN s'est redit "totalement innocent" : "Je
ressens cette sanction d'une dureté inouïe avec une grande injustice.
Mais respectueux de l'institution, je m'y soumets." Viticulteur dans le
Médoc, Grégoire de Fournas est l'auteur d'une série de tweets
tendancieux par le passé. "En Afrique, ils aiment tous la France et ses
allocs. On accueille toute l'Afrique?!", a-t-il tweeté en 2017; et en
janvier 2022: "En réponse à l'expulsion de notre ambassadeur au Mali, il
faut expulser tous les Maliens de France !".
Le MoDem Erwan Balanant a dénoncé des tweets "terribles", y voyant une "obsession" du député RN. La sortie de Grégoire de Fournas dans l'hémicycle fragilise la stratégie de notabilisation
revendiquée par les troupes de Marine Le Pen, depuis l'élection inédite
de 89 députés RN en juin. "Tout le monde fait bloc. Et tout le monde se
dit que c'était évitable car c'est toujours plus intéressant de faire
une intervention construite" dans l'hémicycle, affirme à l'AFP le député
RN Pierre Meurin, qui dénonce "un deux poids deux mesures" avec le
Rassemblement national. Le vice-président du parti David Rachline a
regretté "le manque d'humanité" des propos de M. de Fournas. "On ne
s'exprime pas comme ça au sujet d'êtres humains, surtout à l'Assemblée",
dit-il à l'Obs.
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