Forêts
ONF : débats houleux autour de la nomination de la directrice
La nomination de Valérie Metrich-Hecquet à la tête de l’Office national des forêts suscite la défiance au sein de l’établissement public, qui vit depuis des années une grave restructuration néolibérale.
L’Office national des forêts (ONF) part à la dérive, alors même que le dérèglement climatique et ses conséquences violentes sur les forêts nécessiteraient une politique ambitieuse. Rongé par les suppressions de postes et une succession de conflits internes, l’établissement public subit, aujourd’hui, une forme de privatisation rampante. Un démantèlement progressif qui grève ses missions d’intérêt général.
L’Office n’avait plus de direction officielle depuis le 31 mars 2022, date à laquelle le préfet Bertrand Munch a été limogé. Les syndicalistes et une commission d’enquête diligentée par le ministère de l’Agriculture dénonçaient alors la brutalité de son management. Le nombre de salariés en souffrance au travail avait explosé.
Depuis, l’établissement public est ballotté par les crises. Les feux de forêt de cet été sont venus raviver les tensions et mettre en lumière son manque criant d’effectifs. En vingt ans, l’ONF a perdu 40 % de ses salariés. Au cours du dernier quinquennat d’Emmanuel Macron, plus de 1 000 postes ont été supprimés. Un record alors même que l’hémorragie continue. Près de 500 suppressions d’emplois supplémentaires sont encore prévues d’ici à 2026.
« Valérie Metrich-Hecquet a pris part à la purge économique »
Des voix s’élèvent, aujourd’hui, pour dénoncer cette politique, mais le gouvernement s’entête. Fin juillet, il a proposé de nommer l’ingénieure des eaux et forêts Valérie Metrich-Hecquet à la direction générale de l’établissement. Une haute fonctionnaire qui a directement participé ces dernières années à la cure d’austérité imposée à l’Office.
- Valérie Metrich-Hecquet. © Xavier Remongin / agriculture.gouv.fr
Valérie Metrich-Hecquet fut la secrétaire générale du ministère de l’Agriculture entre 2014 et 2018, puis la patronne de la DGPE, la direction générale de la performance économique au ministère de l’Agriculture, dont l’une des sous-directions s’occupe de la forêt. Elle siégeait aussi au conseil d’administration de l’ONF comme représentante du ministère.
« Elle a clairement pris part à la purge économique qu’a vécue l’établissement. Depuis une dizaine d’années, elle œuvre à la privation et à la destruction méticuleuse de l’ONF, s’insurge le syndicaliste Patrice Martin, secrétaire national du syndicat Snupfen, joint par Reporterre. Elle a contribué au nouveau contrat d’objectif qui a réduit encore nos moyens. Elle a fait nommer Christian Dubreuil à la tête de l’Office en 2015, qui a été mis à la retraite trois ans plus tard en raison de son management autoritaire », poursuit-il.
« Son profil est extrêmement inquiétant et en complet décalage avec les attentes des salariés et des citoyens qui exigent un véritable service public forestier », enchérit un autre syndicaliste sous couvert d’anonymat. Preuve que le feu couve, une pétition contre sa nomination a même récolté plus de 12 000 signatures en seulement quelques jours.
« Un fonctionnaire n’est rien »
Mercredi 14 septembre, son audition à l’Assemblée nationale et au Sénat s’est d’ailleurs transformée en véritable règlement de compte. Avec des débats très houleux. L’opposition parlementaire a profité de sa présence pour critiquer vertement la politique forestière de Macron.
La députée Mathilde Panot (France insoumise) a vilipendé la « sérénité de Madame Valérie Metrich-Hecquet face au politique d’austérité et la souffrance du personnel » ; Aurélie Trouvé a déploré « une feuille de route catastrophique » ; Danielle Simonnet a regretté « une candidature qui ajoute de la catastrophe à la catastrophe » et le socialiste Dominique Potier a clairement pointé du doigt ses anciennes prises de position : « Vous étiez parmi ceux qui ont été les opérateurs d’une maltraitance institutionnelle, comment vous faire confiance aujourd’hui ? »
Face aux attaques, Valérie Metrich-Hecquet a cultivé la langue de bois et promis « le dialogue » et « la transparence » tout en restant très vague sur l’emploi ou la limitation des coupes rases — une pratique sylvicole controversée. « Un fonctionnaire n’est pas grand-chose, il n’est rien », a-t-elle défendu, annonçant dès maintenant qu’elle appliquerait les décisions de l’exécutif.
- Mis à nu par une coupe rase, le sol s’érode. Ici, une coupe dans le Morvan. © Roxanne Gauthier/Reporterre
Pour être nommée à son poste, l’ingénieure des eaux et forêts devait recueillir deux cinquièmes des votes des parlementaires. Son prédécesseur, Bertrand Munch, l’avait obtenu à une voix près en décembre 2019, tant la colère et la méfiance étaient déjà considérables. Au terme de plusieurs heures d’audition, le 14 septembre, la haute fonctionnaire a tout de même réussi à obtenir l’adhésion d’une majorité de députés et sénateurs, 39 pour, face à 34 contre et 4 abstentions.
« Cette décision est une surprise vu le mécontentement des parlementaires et tout ce qui a été soulevé et porté depuis des mois », s’étonne le syndicaliste Patrice Martin. La Nupes [1] a voté contre, mais l’alliance entre La République en marche (LREM) et Les Républicains (LR) l’a remporté. Les syndicats affirment être sur le pied de guerre. « Qu’importe la personne élue, nous allons défendre la mise en place d’une politique ambitieuse et être particulièrement vigilants au cours de l’examen du projet de loi de finances pour éviter qu’il y ait des suppressions de postes », affirment-ils.
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