vendredi 22 avril 2022

QUAND CASTEX IGNORE, ET LE SOUCI ECOLOGIQUE, ET CELUI DE L'ARGENT PUBLIC, ET LE VOTE PAR PROCURATION ! IL DOIT DEGAGER !

Aller voter en avion ? Monsieur Castex, faites une procuration s’il vous plaît

Une procuration plutôt qu’un aller-retour en avion pour aller voter. Monsieur Jean Castex, si vous ne le faites pas pour vous, faites-le au moins pour les autres.

Antton Rouget  / Médiapart

22 avril 2022 à 11h07 

 

Entre 10 000 euros et 20 000 euros d’argent public jetés par la fenêtre. Plus de 4,37 tonnes de CO2 émises, soit l’équivalent de la consommation moyenne d’une personne durant six mois en France.

Voilà ce qu’aura coûté le déplacement de Jean Castex à Prades, dans les Pyrénées-Orientales, le 10 avril, jour du premier tour de l’élection présidentielle (voir le calcul en Boîte noire).

Cher payé pour que le premier ministre puisse voter dans la commune dont il a été le maire de 2008 à 2020, sous les caméras des chaînes d’info en continu.

Sur BFMTV, on voit Jean Castex saluer les assesseurs, prendre des bulletins, passer par l’isoloir et glisser son enveloppe dans l’urne. Une séquence de 4 minutes et 33 secondes d’« images en direct » dont les politiques et télés raffolent les jours de vote, si pauvres en actualité jusqu’à l’annonce des résultats.

Le premier ministre reprend ensuite son avion à Perpignan pour regagner Paris, deux heures seulement après avoir fait le trajet inverse. Fin de l’opération de communication.

© Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart avec AFP
 

Qui peut se le permettre financièrement ? Personne. Hormis un premier ministre dont les déplacements, y compris les plus improbables, sont pris en charge par la collectivité. 

Qui d’autre aurait une idée aussi saugrenue, six jours après la remise d’un nouveau rapport alarmant du Giec ? Personne. Sauf les derniers spécimens encore inconscients de la catastrophe climatique en cours.

L’épisode est d’autant plus invraisemblable que Jean Castex avait déjà été épinglé, à peine deux mois plus tôt, pour sa « passion immodérée » pour les jets de la République, dans les colonnes de Mediapart.

Basé sur l’analyse d’un an de déplacement, l’article racontait dans le détail comment le premier ministre a mobilisé à tout bout de champ des avions à disposition du gouvernement (moyennant location), même pour ses déplacements les plus courts, contrevenant au passage à une circulaire qu’il avait lui-même édictée pour faire face aux enjeux climatiques.

Mais, à chaque fois, Jean Castex a usé d’arguments démagogiques pour justifier cette pratique hors-sol.

À quoi bon prendre un Falcon pour se rendre à Nantes, Bordeaux, Strasbourg, Angoulême ou encore Lyon, des villes à deux heures en TGV depuis Paris ? Pour des raisons de sécurité et de disponibilité dans un agenda « très contraint », avait essayé de justifier Matignon. À croire que les prédécesseurs de Jean Castex, qui se déplaçaient en train ou en voiture pour les courtes distances, n’étaient que de sombres irresponsables...

Comment justifier son aller-retour à Prades pour aller voter ? « Le premier ministre, il faut qu’il soit à Paris très vite s’il y a le moindre problème », a tenté de convaincre l’intéressé, lundi 12 avril, sur RTL. Une explication aberrante à l’heure où des centaines de milliers de citoyen·nes combinent contraintes professionnelles ou personnelles en votant par procuration.

Même quand il est pris la main dans le sac, le chef du gouvernement se moque des répercussions d’une telle conduite. « La période est aux polémiques, n’est-ce pas ? », a-t-il ainsi balayé avec dédain, sur RTL. « Je croyais que la période était à l’urgence climatique », a aussitôt répliqué un internaute sur les réseaux sociaux.

Le déni est tel que des activistes pour le climat ont même dû lancer une pétition – réunissant à ce jour 35 000 signataires – pour demander l’évidence : que le premier ministre ne reprenne pas un Falcon pour voter au second tour, dimanche prochain...

Dans les colonnes de Midi Libre, Jean Castex a annoncé ce vendredi 22 avril qu’il utiliserait cette fois une ligne commerciale.

Emmanuel Macron vante l’« exemplarité » de son gouvernement

Les pétitionnaires ont de quoi s’inquiéter, tant Jean Castex paraît habiter sur une autre planète. Ne l’a-t-on pas entendu expliquer sur France Inter, mardi 19 avril – neuf jours après son vote en jet, donc – que son gouvernement « favorise massivement le recours au transport propre » ?

Le premier ministre a aussi profité de l’interview pour se féliciter de la réouverture, en 2021, de la relance du « train des primeurs » Rungis-Perpignan. Oubliant au passage un élément de contexte essentiel : cette ligne de fret avait été fermée en 2019, sous la présidence Macron, pour des raisons budgétaires.

Dans le même entretien, le premier ministre a également vanté l’importance des petites lignes régionales pour lutter contre l’émission de gaz à effet de serre. Sans rappeler, là encore, qu’il a lui-même orienté des milliards d’euros de financements publics pour relancer la construction de lignes à grande vitesse, des projets archaïques qu’Emmanuel Macron avait justement promis d’enterrer après 2017, au nom de la nécessité de sauver et moderniser le réseau existant.

La période est aux polémiques, n’est-ce pas ?

Jean Castex, parlant de son utilisation frénétique des jets

Dans les rangs de la majorité, signe que le dérèglement climatique est un sujet pris au sérieux, l’appétit du premier ministre pour les voyages en avion n’a pas provoqué le moindre remous.

En meeting à Marseille, samedi 16 avril, le candidat Macron a même cru bon, pour draguer l’électorat de gauche pendant l’entre-deux-tours, de saluer « l’exemplarité » de sa présidence en ce qui concerne l’empreinte carbone des déplacements.

« La bataille pour le climat n’est pas simplement une question de mobilisation, est encore moins une question d’injonction, n’est jamais une question d’opposition de bloc à bloc, mais c’est la clé d’une réussite commune, d’un investissement de la nation, d’un accompagnement de chacune et chacun pour changer les habitudes, c’est cela ce que nous avons fait », a aussi affirmé Emmanuel Macron. Les (vrais) défenseurs de l’environnement en rient encore.

Antton Rouget

 


 

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