Affaire Kerviel : Le député (LFI) Ugo Bernalicis saisit le procureur de Paris pour « trafic d’influence »
INFO « 20 MINUTES » Après avoir entendu Jérôme Kerviel en juillet, le député (LFI) a décidé de saisir le procureur de Paris de faits de « trafic d’influence » et « d’escroquerie en bande organisée »
- Jérôme Kerviel a été définitivement condamné à trois ans de prison ferme pour avoir causé une perte de 4,9 milliards d’euros à la Société générale, en 2008.
- En 2016, un enregistrement clandestin dans lequel une magistrate du pôle financier assurait que l’enquête avait été « manipulée » par la banque a semé le trouble.
- En 2018, l’ancien trader a échoué à obtenir un procès en révision.
Quasiment treize ans après les faits, l’affaire opposant Jérôme Kerviel à la Société générale va-t-elle à nouveau rebondir ? Le député (LFI) Ugo Bernalicis a annoncé, ce jeudi, qu’il avait signalé au procureur de la République de Paris des faits de « trafic d’influence » et « d’escroquerie en bande organisée » qui ont, selon lui, entaché l’enquête judiciaire sur les agissements du trader réalisée en 2008 par le pôle financier du parquet de Paris.
L’initiative du député Insoumis ne doit rien au hasard. Président de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, il avait convié, le 8 juillet dernier, l’ancien trader à venir faire part de ses démêlés avec la justice devant la représentation nationale. « Ce qui me reste comme sentiment, c’est un sentiment d’injustice. J’ai pu constater de nombreux dysfonctionnements dans l’appareil judiciaire, avait notamment raconté Jérôme Kerviel à cette occasion. Dès le départ, j’ai eu le sentiment que quoi que je fasse, les dés étaient pipés et tout était joué d’avance… »
« La Société générale savait. C’est évident. Évident ! »
Le natif de Pont-l’Abbé (Finistère) a toujours estimé que l’enquête ayant conduit à sa condamnation à trois ans de prison ferme pour avoir fait perdre 4,9 milliards d’euros à son ancienne banque avait été menée irrégulièrement. Il en veut pour preuve l’enregistrement clandestin de la magistrate Chantal de Leiris réalisé en 2015.
Dans cette bande de plus de 40 minutes dont 20 Minutes et Mediapart avaient dévoilé le contenu à l’époque, on entendait clairement cette magistrate expliquer que l’enquête initiale avait été « manipulée » par la banque. « Quand vous en parlez, tous les gens qui sont dans la finance rigolent, sachant très bien que la Société générale savait [tout des agissements illégaux de son trader]. La SG savait, savait… C’est évident. Évident ! »
Des réunions discrètes et un soupçon de collusion
Dans une longue enquête publiée il y a quatre ans,20 Minutes, Mediapart et France Inter avaient également révélé que les avocats de la Société générale avaient participé, dès 2008, à plusieurs réunions discrètes avec les membres du pôle financier du parquet de Paris afin de minimiser la responsabilité de la banque dans la fraude. De quoi alimenter encore plus les soupçons de collusion.
« Ce ne sont pas des petites accusations, commente aujourd’hui Ugo Bernalicis. Lors de son audition, Jérôme Kerviel nous a expliqué les choses. Il nous a transmis les éléments et notamment la retranscription de cet enregistrement pour appuyer son analyse. J’ai décidé de prendre mes responsabilités en signalant ces faits au procureur de Paris. »
De quoi satisfaire l’ancien trader. « Ce signalement vise des faits d’une gravité toute particulière commis par la Société générale, par l’intermédiaire de ses avocats, afin d’influer sur les investigations réalisées en 2008 et 2009 et sur les décisions judiciaires qui ont été rendues ensuite », a-t-il réagi.
Des plaintes similaires avaient abouti à des non-lieux
Pour autant, rien ne garantit que l’initiative d’Ugo Bernalicis permette aujourd’hui de rouvrir le volumineux dossier judiciaire de Jérôme Kerviel. En effet, le trader avait déjà fait valoir les mêmes arguments en déposant deux plaintes pour « escroquerie au jugement » et « subornation de témoin » qui s’étaient conclues par autant de non-lieux, en juillet 2017. Un an après, il avait également échoué à obtenir un procès en révision, faute « d’éléments nouveaux ».
« J’en ai bien conscience, réagit encore Ugo Bernalicis. Mais, cette fois-ci, c’est en ma qualité de parlementaire que je saisis la justice. Quelques années ont passé depuis tout ça. Et on voit bien que les choses ont évolué… »
Sauf peut-être pour l’ancien trader. Aujourd’hui âgé de 43 ans, il doit toujours rembourser un million d’euros de dommages et intérêts à son ancienne banque. Sans compter les intérêts qui courent depuis sa condamnation. « J’espère que la justice pourra se saisir de ce signalement, l’instruire et faire enfin émerger la vérité après douze ans. »
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