dimanche 18 décembre 2022

LES PRODUITS TOXIQUES SONT PARTOUT ET N'EPARGNENT PAS NOS PETITS ENFANTS !

Trop de produits toxiques dans les crèches

Les perturbateurs endocriniens restent assez méconnus des professionnels de la petite enfance. Différents guides et labels permettent de les y sensibiliser.

Produits de nettoyage, lingettes, jouets en plastique... Les perturbateurs endocriniens sont potentiellement partout dans les crèches. « Vous utilisez du napalm pour tuer une mouche », lance Claire Grolleau, présidente de l’association Label Vie, lorsqu’elle fait des visites dans ces lieux d’accueil pour les petits.

L’association accompagne les crèches pour qu’elles réduisent au maximum la présence de produits chimiques. En vingt ans, celle que l’on prenait pour une folle de vouloir supprimer les désinfectants « au risque de favoriser des épidémies », ne prêche plus dans le désert. « En pleine crise du Covid, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a modifié le protocole de réouverture des crèches en acceptant de troquer les virucides contre le savon et la vapeur, tout aussi efficace », se réjouit la toxicologue de formation, qui a créé en 2009 Écolo Crèche, le premier label écolo pour la petite enfance.

Les perturbateurs endocriniens sont particulièrement toxiques pour les jeunes enfants. Un consensus scientifique établit aujourd’hui qu’au cours de la grossesse et des deux premières années de l’enfant, l’exposition à ces substances présente un danger pour le développement, comme un retard de langage.

Les dangers des perturbateurs endocriniens sont de mieux en mieux connus, mais les pratiques changent peu. Label Vie accompagne 900 lieux d’accueil de la petite enfance, une goutte d’eau sur les 450 000 établissements de ce type en France. « Dans certaines crèches, on trouve jusqu’à quarante produits d’entretien, c’est totalement contre-indiqué », constate Anne Lafourcade, ingénieure chimiste. En 2017, son agence Alicse a créé un guide pour l’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine. « L’ARS était démunie face à des demandes récurrentes de collectivités sur le bon usage des produits chimiques. »

« On sait comment agir et c’est simple »

« Quand on fait la liste avec le personnel de la crèche, les gens sont surpris qu’il y ait autant d’objets concernés. Ça fait l’effet d’une douche froide », précise Agatha Wajrak, du Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) du Val de Loire. Cette association d’éducation à l’environnement prodigue des formations auprès des crèches et des sages-femmes : « La thématique des perturbateurs endocriniens n’est pas bien connue par les professionnels de la petite enfance. »

« Certains me reprochent d’affoler la population. Mais ne rien faire, c’est affolant. D’autant qu’on sait comment agir et c’est simple », insiste André Cicolella, du Réseau Environnement Santé (RES). Ce dernier a en particulier obtenu l’interdiction du bisphénol A dans les biberons en 2010. L’association a également décliné sa charte d’engagement des territoires sans perturbateurs endocriniens pour l’adapter aux crèches.

Charte, guide, label... Pour les organisations engagées dans cet accompagnement, la démarche est la même : dresser un diagnostic des produits à risques et montrer qu’il est possible de les supprimer ou de les substituer par des produits non toxiques. Santé publique France fait les mêmes recommandations, mais du bout des lèvres : « On préfère les contenants en verre à ceux en plastique », « Les produits traditionnels comme le bicarbonate de soude, le vinaigre blanc, le savon noir, le savon à base d’huile végétale… multiplient les avantages », « Pour la toilette de bébé, de l’eau et du savon suffisent », etc.

« Ne pas attendre que la réglementation bouge »

« Certains changements se font facilement, comme arrêter de chauffer les plats dans des contenants en plastique. D’autres passent moins bien, comme la peinture à paillette qui est très utilisée et pourtant souvent problématique », précise Agatha Wajrak. « Il ne faut pas attendre que la réglementation bouge », souligne Anne Lafourcade, qui accompagne les crèches municipales de dix collectivités de la région Nouvelle-Aquitaine. Les atermoiements de la Commission européenne sur la réglementation Reach sur les produits chimiques lui donnent raison.

Autre difficulté, un millier de substances sont suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, selon le dernier avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Il faudra des dizaines d’années pour les tester isolément et en mélange. Autrement dit, mieux vaut appliquer le principe de précaution en éloignant les jeunes enfants des produits chimiques.

D’autant que la contamination de la population est avérée. « Ces polluants sont présents dans l’organisme de l’ensemble des adultes et des enfants », a conclu en 2019 une étude de Santé publique France. Si la France s’est dotée en 2014 d’une stratégie nationale des perturbateurs endocriniens, à l’initiative de l’association RES, le suivi épidémiologique de la population n’est toujours pas à la hauteur, selon André Cicolella. À son échelle, le RES a lancé des mesures des phtalates auprès de quelques dizaines de personnes. Leurs résultats montrent des variations importantes du taux de phtalates selon les personnes. « On peut donc diminuer de beaucoup notre contamination », explique le président du RES, qui reste néanmoins prudent en attendant des campagnes de mesures de plus grandes envergures.

Le toxicologue rappelle les enjeux en citant une nouvelle étude publiée dans la revue médicale Jama en juillet sur les effets des phtalates sur les femmes enceintes. « Cette étude montre qu’en limitant la contamination des femmes enceintes, 7 200 cas pourraient être évités en France. »

Reporterre

 

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