mercredi 16 novembre 2022

LOUIS BOYARD : AVEC LES DEPUTE.ES LFI, "NOUS SOMMES DANS UN COMBAT POLITIQUE POUR LA LIBERTE D'EXPRESSION".

ENTRETIEN. Louis Boyard : "Nous sommes dans un combat politique contre un empire médiatique, pas contre Cyril Hanouna"

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Propos recueillis par - Antoine Comte
France Télévisions
Publié Mis à jour

Le député La France insoumise Louis Boyard, lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale, le 14 novembre 2022. (THOMAS SAMSON / AFP)

Après sa violente altercation avec le présentateur vedette de l'émission "Touche pas à mon poste" jeudi dernier, le député La France insoumise s'exprime pour la première fois. 

Louis Boyard ne veut pas en rester là. Moins d'une semaine après sa vive altercation avec Cyril Hanouna sur le plateau de l'émission "Touche pas à mon poste" (TPMP), sur C8, le jeune député de La France insoumise revient pour franceinfo sur cette séquence. En plus d'une plainte déposée contre l'animateur vedette du groupe de Vincent Bolloré, l'élu du Val-de-Marne demande désormais l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire à l'Assemblée nationale sur la concentration des médias en France. Il défend également une proposition de loi visant notamment à interdire à un propriétaire de détenir plus de 20% des parts d'un média. Entretien.

Franceinfo : Vous avez décidé de porter plainte pour "injure publique envers une personne chargée d'une mission de service public" à l'encontre de l'animateur Cyril Hanouna, pourquoi ?

Louis Boyard : Je ne pouvais pas ne pas porter plainte. Quand un élu est insulté sur un plateau de télévision, c'est quelque chose qu'il ne faut pas laisser passer. Ensuite, j'ai aussi décidé de saisir la justice car j'ai eu une pensée pour les millions de personnes qui sont insultées chaque fois que des propos racistes et islamophobes sont tenus sur le plateau de cette émission ["Touche pas à mon poste"]. J'ai également voulu montrer qu'on ne pouvait pas laisser tout dire. Cette scène est arrivée parce que j'ai voulu critiquer le propriétaire de la chaîne C8, Vincent Bolloré, et je ne m'attendais pas à être censuré.

Cette affaire met le doigt sur une situation politique qui est majeure dans notre pays, à savoir que des milliardaires possèdent des médias en France et qu'on ne peut pas critiquer librement les propriétaires de ces chaînes alors qu'ils jouent un rôle majeur dans nos sociétés. C'est un symptôme très inquiétant, et c'est pour cela qu'on propose notre loi, le 24 novembre, sur la fin de la concentration des médias.

Comment cette loi peut-elle concrètement empêcher la concentration des médias par certains hommes d'affaires, comme vous le dénoncez ?

Notre proposition de loi permettra l'interdiction de posséder plus de 20% d'un média quand on est un multi-propriétaire de chaînes. Cela signifie que personne ne pourra peser à lui seul sur la ligne éditoriale d'un média. Nous ne pensons pas qu'il faille mettre en place une indépendance des médias, mais un pluralisme, qui est aujourd'hui empêché par le fait que ces milliardaires ont le monopole partout. Cela dépasse l'entendement.

"Vincent Bolloré n'est pas n'importe quel propriétaire de chaînes. Il influence tous les médias qu'il possède pour porter une ligne politique d'extrême droite. Il suffit de voir le rapport entre l'empire Bolloré et Eric Zemmour pour comprendre qu'il y a bien une ligne politique qui est défendue à travers ce monopole. C'est aussi cela que nous voulons dénoncer."

Louis Boyard

député LFI

Cyril Hanouna a également décidé de saisir la justice contre vous pour diffamation. N'assiste-t-on pas aussi à une bataille personnelle entre vous ?

Je laisse la justice faire son travail. Cyril Hanouna essaie de régler des comptes et de personnaliser la chose, mais je n'entrerai pas dans le jeu de la guerre personnelle. En revanche, je veux porter un débat politique et je demande à Cyril Hanouna : est-il prêt à organiser un débat au sujet des activités de Vincent Bolloré en Afrique ? Malheureusement, je pose cette question en sachant très bien qu'il ne le fera pas.

Vous dénoncez "la mainmise" de Vincent Bolloré sur les chaînes de son groupe, mais pourtant vous avez travaillé en tant que chroniqueur il y a quelques années sur le plateau de Cyril Hanouna. Votre discours n'est-il pas contradictoire ?

Il n'est pas obligatoire d'avoir un devoir de loyauté vis-à-vis de la personne qui vous a rémunéré. Je trouve que cette règle révèle quelque chose de grave. Après, les activités de Vincent Bolloré en Afrique, c'est quelque chose que j'ai lu très récemment. Mais je n'ai jamais changé de ligne politique. J'ai toujours été dans la dénonciation de l'extrême droite et de sa banalisation. A l'époque, dans "Touche pas à mon poste", je contredisais déjà, de fait, la ligne éditoriale de la chaîne.

La gauche doit-elle continuer à aller dans cette émission ?

C'est un débat qui traverse toutes les formations politiques, pas uniquement la gauche. Pour moi, les émissions comme "TPMP" sont des espaces d'expression publique qui ont été volés par des milliardaires qui les possèdent. Notre responsabilité, c'est de tenir tête à ces milliardaires car l'ADN de la gauche, c'est d'aller sur des marchés, sur des ronds-points et donc dans des endroits qui ne sont jamais évidents.

"Nous avons une bataille culturelle à mener. Personnellement, je serai toujours critique sur le fait que cette émission est à la merci d'un milliardaire qui opère une censure et qui organise des règlements de comptes dès lors qu'on s'oppose à lui."

Louis Boyard

député LFI

Qu'attendez-vous de la saisine de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ?

Par respect pour l'indépendance de l'Arcom et des conclusions qu'elle rendra, je ne souhaite pas répondre à cette question. Ce n'est pas à moi, parlementaire, de donner des suggestions et encore moins des consignes à l'Arcom. J'ai un devoir qui m'impose de ne pas l'influencer et, quelle que soit sa décision, je la respecterai.

Vous avez donné une conférence de presse lundi pour annoncer que vous comptiez saisir la justice contre Cyril Hanouna, mais aucun de vos collègues députés LFI n'était physiquement à vos côtés, pourquoi ?

C'est lié à une question d'organisation et de timing. Il était prévu que la présidente de mon groupe, Mathilde Panot, soit présente. Mais ça n'a pas pu se faire car tout s'est un peu organisé dans l'urgence. Je retiens surtout son soutien lorsqu'elle a dit qu'il n'était pas possible qu'un député soit insulté ainsi. Manuel Bompard, David Guiraud et de nombreux députés m'ont aussi soutenu.

"Ce n'est pas un combat que je mène seul. Et puis, il y a surtout le plus important des soutiens : celui du peuple. Dans la rue, personne n'est venu me voir en me disant qu'il n'était pas d'accord avec ce que j'ai dit."

Louis Boyard

député LFI

Jean-Luc Mélenchon a semblé un peu frileux sur le sujet quand même... Avez-vous échangé avec lui ?

Oui. Il a voulu prendre des nouvelles. Avec Jean-Luc Mélenchon, comme tous les élus de LFI, nous ne sommes pas dans un combat personnel contre Cyril Hanouna ou Vincent Bolloré. Nous sommes dans un combat politique contre un empire médiatique qui empêche la liberté d'expression. Le seul qui est aujourd'hui dans une démarche personnelle, c'est Cyril Hanouna. Il a organisé lundi soir deux heures d'émission qui se sont transformées en un procès politique contre moi.

Vous souhaitez la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire sur la concentration des médias à l'Assemblée nationale. N'y a-t-il pas un risque de doublon avec celle menée par le Sénat en mars dernier ?

Les 32 recommandations proposées par le Sénat sont très intéressantes et je les salue. Maintenant, il y a eu cette séquence et je pense qu'il faut en profiter pour lancer cette commission d'enquête sur la concentration des médias. Elle doit plus précisément cibler l'empire Bolloré, ses financements et ses conséquences sur notre démocratie. Le sujet est tellement grave qu'il faut désormais que tout le monde s'en empare. L'Assemblée va le faire, je l'espère, mais je souhaite que le gouvernement s'en empare aussi. C'est un sujet tellement important qu'il faut que toutes les institutions s'en saisissent.

 

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