Parmi les indicateurs de développement humain d’un pays, ceux relatifs à la santé périnatale sont parmi les plus probants. Ils mesurent, à travers l’état de santé des femmes enceintes et de leurs nouveau-nés, celui de la population globale et la qualité du système de soins. Or le récent rapport de Santé publique France sur la santé périnatale, qui en apprécie l’évolution depuis 2010, est alarmant. Il révèle, dans un pays mondialement connu pour la qualité de ses prises en charge périnatales, une dégradation sélective selon les territoires et surtout les populations.

En Ile-de-France, le cas des femmes étrangères et sans papiers et de leurs bébés est extrêmement préoccupant. Plus généralement, en France, le nombre de femmes sans papiers enceintes ou avec enfants en bas âge à la rue ne cesse de croître. Ces femmes et leurs enfants, souvent d’origine africaine et maghrébine, sont en danger. Et nous avec.

Les services sanitaires alertent sur la recrudescence de la mortalité infantile et des sorties de maternité à la rue depuis longtemps. En 2012, l’Agence régionale d’Ile-de-France pointait, dans l’enquête « Réduire la mortalité infantile et périnatale », la surmortalité infantile en Seine-Saint-Denis : 4,8 ‰ contre 3,2 ‰ en France métropolitaine. Une des préconisations issues de ces travaux est la stabilisation de l’hébergement des femmes enceintes et accouchées, au minimum au troisième trimestre de grossesse et jusqu’aux 6 mois de l’enfant. Portant sur la réduction des inégalités de santé précoces, le rapport sur les « 1 000 premiers jours de l’enfant » (septembre 2020) plaide pour une obligation d’hébergement jusqu’à ses 2 ans, prérogative des conseils départementaux. Or, la situation ne fait qu’empirer.

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Si le scandale des femmes à la rue est devenu « grande cause régionale » dès 2017, le dernier rapport de Santé publique France précise que la proportion de femmes sans abri ayant accouché en Ile-de-France est passée de 5,8 ‰ en 2010 à 22,8 ‰ en 2019. Les plus exposées sont les femmes étrangères les plus récemment arrivées. En 2020, 38,75 % des femmes enceintes en situation de grande précarité accompagnées par le réseau de santé périnatal Solidarité Paris Maman (Solipam) Ile-de-France, sont arrivées en France entre 2019 et 2020. Cette proportion s’élève à 67,5 % si on prend en compte celles arrivées depuis 2018.

Errance résidentielle

Le cas de Sonia est illustratif. Travaillant, non déclarée, comme plongeuse dans un restaurant au début de sa grossesse, elle y dort pour être à l’heure à son poste de travail. A cinq mois de grossesse, épuisée, elle contacte Solipam pour être aidée dans sa recherche d’hébergement. En raison de la pénurie de places, les professionnels sont démunis. Sonia connaît un parcours d’errance résidentielle durant le reste de sa grossesse, amenée à changer d’hôtel régulièrement, passant des nuits à la rue. A Paris, son médecin hospitalier programme une césarienne en raison d’une grossesse à risque. Quelques jours avant, Sonia entre en travail. Elle est hébergée dans un hôtel 115 [SAMU social] dans les Yvelines, où elle accouche, en urgence, dans une maternité qu’elle ne connaît pas, sans que l’équipe hospitalière puisse avoir accès à son dossier médical.

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