En pleine COP27, l’industrie pétro-gazière investit dans de nouveaux projets fossiles
Dans un rapport présenté ce 16 novembre à Charm el-Cheikh (Égypte), l’ONG Oil Change International dévoile que les multinationales énergétiques, TotalEnergies en tête, veulent investir dans de nouveaux projets fossiles qui pourraient, entre 2022 et 2025, rejeter l’équivalent des émissions de près de cinq cents centrales à charbon. Pis, durant la COP27, plusieurs contrats gaziers internationaux ont été conclus.
Alors qu’à Charm el-Cheikh (Égypte), les négociations internationales sur le climat patinent, l’industrie pétro-gazière est en pleine expansion.
Dans un rapport présenté aujourd’hui à la COP27, l’ONG américaine Oil Change International révèle que les nouveaux projets de production de pétrole et de gaz approuvés en 2022, et susceptibles d’être approuvées au cours des trois prochaines années, pourraient larguer dans notre atmosphère 70 milliards de tonnes de CO2. Soit l’équivalent des émissions totales de 468 centrales à charbon. Ou de 17 % du budget carbone mondial restant pour maintenir le réchauffement planétaire à + 1,5 °C.
« Si l’on brûle tout le pétrole et le gaz contenu dans les champs dans lesquels l’industrie fossile a investi en 2022 et dans lesquels elle compte investir sur la période 2023-2025, cela représente l’équivalent de deux ans d’émissions annuelles du secteur mondial de l’énergie », précise à Mediapart Romain Ioualalen d’Oil Change International.
Ces estimations reposent sur l’analyse des décisions finales d’investissement déjà exécutées ou prévues par les multinationales énergétiques pour développer de futurs puits de pétrole et champs de gaz entre cette année et 2025.
Rien que pour les projets fossiles approuvés en 2022, les firmes pétrolières et gazières pourraient être responsables de l’émission de 11 milliards de tonnes de CO2. Ce qui correspond, en termes de rejets de gaz à effet de serre, à la construction de soixante-quinze nouvelles centrales à charbon.
Les États-Unis à la pointe du réchauffement
Cet expansionnisme fossile est en totale contradiction avec les recommandations de l’Agence internationale de l’énergie qui exhorte depuis mai 2021 à la fin immédiate de tout investissement dans les énergies fossiles pour respecter l’accord de Paris.
Et d’ici à 2030, la production mondiale de pétrole et de gaz doit diminuer respectivement de 4 % et 3 % par an pour être conforme à la trajectoire de +1,5 °C de réchauffement global.
« Les énergies fossiles sont les moteurs de notre crise climatique et de notre crise énergétique actuelle. La combustion totale du pétrole, du gaz et du charbon issus des réserves déjà en exploitation nous mènerait déjà bien au-delà de 1,5 ºC de réchauffement, a déclaré David Tong, directeur de campagne chez Oil Change International. Dans le même temps, alors que les populations souffrent d’une pénurie énergétique due à la dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz russe, les grandes compagnies pétrolières et gazières empochent des bénéfices record. »
Toujours selon ce rapport, les États-Unis et l’Arabie saoudite sont à l’origine de plus de 50 % des émissions de gaz à effet de serre engendrées par les nouveaux forages approuvés pour la seule année 2022.
Avec ces futurs investissements fossiles dans les tuyaux, les Émirats arabes unis, qui présideront l’an prochain la COP28, pourraient devenir, d’ici 2025, le troisième plus grand producteur de pétrole et de gaz au monde derrière les États-Unis et la Chine.
TotalEnergies, champion fossile
La compagnie française TotalEnergies est pour sa part épinglée dans le rapport d’Oil Change International comme la plus grosse firme responsable de l’approbation de la plupart des nouveaux projets d’extraction de pétrole et de gaz en 2022.
La major tricolore vient de lancer en Ouganda un mégaprojet fossile qui doit voir le jour à l’horizon 2025. TotalEnergies prévoit dans ce pays de forer quatre cents puits pétroliers en bordure d’un des plus grands lacs d’Afrique, le lac Albert.
Et pour exporter le pétrole, TotalEnergies veut construire un oléoduc de 1 445 kilomètres jusqu’au littoral tanzanien, le East African Crude Oil Pipeline (EACOP). Ce futur pipeline pourrait émettre jusqu’à 34 millions de tonnes de CO2 par an. Soit bien plus que les émissions de l’Ouganda et de la Tanzanie réunies.
La multinationale s’apprête également à investir 3 milliards de dollars pour exploiter du gaz offshore en Afrique du Sud.
TotalEnergies est actuellement le premier développeur du pétrole et du gaz en Afrique, alors que le continent est responsable de moins de 4 % des émissions mondiales, et subit déjà de plein fouet les conséquences des dérèglements climatiques.
L’impasse phare des COP
Oil Change International souligne enfin que quatre des cinq plus grands projets fossiles approuvés en 2022 augmenteront principalement la production de pétrole, et non celle de gaz. Ce chiffre contredit les discours habituels des industriels du secteur qui martèlent vouloir développer en priorité les ressources en gaz, qu’ils considèrent comme une « énergie de transition ».
« Pour répondre à la croissance de la demande mondiale en énergie, tout en contribuant à contenir le réchauffement climatique, notre compagnie a fait du gaz naturel, la moins émettrice des énergies fossiles, un pilier de sa stratégie », peut-on lire sur le site de TotalEnergies.
Ce rapport vient souligner une des impasses phares des pourparlers en cours Charm el-Cheikh : le fait que la question des énergies fossiles ne fait pas partie du mandat des COP et n’est nullement inscrite dans le texte de l’accord de Paris.
Pourtant, 636 lobbyistes des industries fossiles s’activent actuellement dans les couloirs de la COP27. Ces représentants du pétrole, du gaz et du charbon sont plus nombreux que les délégations nationales des dix pays les plus touchés par les dérèglements climatiques.
Pis, pas moins de cinq contrats gaziers internationaux ont été conclus ou sont en discussion depuis le début de la COP27.
La Tanzanie a par exemple annoncé à Charm el-Cheikh un protocole d’accord avec entre autres Equinor et Shell pour un projet d’exportation de gaz. L’Allemagne a même signé la veille du sommet climatique mondial un partenariat avec l’Égypte pour s’approvisionner en gaz.
En attendant, au début de cette semaine, un premier brouillon de la décision finale de la COP27 de Charm el-Cheikh a été publié. Aucune mention d’une sortie des énergies fossiles n’y figure.
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