Auto-EntrepreneursComment Sarkozy et Macron ont précarisé deux millions de jeunes (1-2)
Orian Lempereur-Castelli
Mis au point par Hervé Novelli sous Nicolas Sarkozy, étendu sous Emmanuel Macron, le statut d’auto-entrepreneur a précarisé, de gré ou de force, près de 2 millions de jeunes en France. Histoire secrète d’un gigantesque contournement du droit du travail.
Mai 2007. Fraîchement élu président de la République, Nicolas Sarkozy
veut libéraliser l’économie française. Il sollicite son secrétaire
d’Etat chargé des Entreprises et du Commerce extérieur, Hervé Novelli.
Ancien du Groupe Union Défense (GUD) et du Front National, Novelli est
proche du libéral Alain Madelin, un ancien ministre de Jacques Chirac
lui aussi issu des rangs de l’extrême droite. Nicolas Sarkozy missionne
Novelli pour simplifier l’entreprenariat individuel. L’idée d’un nouveau
statut, c’est celle de Novelli – mais ça, le secrétaire d’Etat le garde
pour lui : « je voulais que ma réforme repose “sur un consensus supposé
ou réel” », confie-t-il, 15 ans après, à Off Investigation.
Dès
septembre 2007, « l’homme des PME », comme il aime se définir, lance
plusieurs groupes de travail. Sans surprise, ils recommandent tous la
création d’un nouvel outil. Parmi les experts mandatés par le secrétaire
d’Etat, François Hurel. « Sachant de la création d’entreprise » passé
par le forum de l'entrepreneuriat de l’OCDE et l’Agence Pour la Création
d’Entreprise, c’est un ancien des cabinets ministériels d’Alain Madelin
et de Jean-Pierre Raffarin.
Pour imaginer le statut, Hurel
s’inspire des dispositifs juridiques existant aux Etats-Unis, au Québec,
en Australie, en Argentine ou au Japon. Il utilise aussi des
dispositifs européens qui permettent de prélever les impôts à la source
et d’exonérer de TVA certains chiffres d’affaires.
Un statut en quelques minutes sur internet
Alors que jusqu’en 2008, créer une société prenait plusieurs semaines, avec une vingtaine de formes juridiques possibles, le statut d’auto-entrepreneur (aussi appelé micro-entrepreneur) s’acquiert désormais en... quelques minutes sur le site internet de l’URSAFF ! Réservé aux entrepreneurs réalisant moins de 32 600 euros de chiffre d’affaires, il permet d’être exonéré de TVA et de solder ses cotisations sociales par une unique cotisation proportionnelle à son chiffre d’affaires. Le régime permet aussi de ne pas présenter de bilans annuels, ouvre droit à une réduction des cotisations sociales les premières années et est exonéré de certaines cotisations salariales. Bref, un "choc de simplification" avant l'heure. Mais, en contrepartie, en cas de coup dur, les auto-entrepreneurs ne sont pas protégés : ni congés payés, ni congés maladies, ni droits au chômage.
Accord secret avec les artisans en colère
Lors des premiers groupes de travail, les représentants des artisans
voient dans le statut d'auto-entrepreneur une concurrence déloyale. Eux
doivent en effet justifier de diplômes spécifiques pour exercer
certaines activités, facturer la TVA mais aussi payer des cotisations
patronales.
Pour calmer les esprits, Hervé Novelli passe un « deal »
secret avec Alain Griset, alors président de l’Assemblée permanente des
chambres de métier et de l’artisanat : « On avait un accord (...)
j’avais dit “ne développe pas cette agressivité” parce que (...) je suis
prêt à satisfaire une revendication clé des artisans depuis vingt ans :
la protection de leur patrimoine en cas de faillite » nous a révélé Hervé Novelli.
En 2010, il tient parole avec la création du statut d’EIRL (entrepreneur
Off Investigation
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