Cancer du poumon des non-fumeurs : comment les particules fines peuvent déclencher la maladie
Une étude présentée au congrès européen du cancer qui se déroule du 9 au 13 septembre 2022 à Paris met en évidence un lien direct entre les particules fines et deux mutations génétiques à risque portées par des cellules pulmonaires saines des non-fumeurs.
La circulation à Lyon lors d'un précédent épisode de pollution aux particules fines, le 25 janvier 2017
Pourquoi certains non-fumeurs développent-ils un cancer du poumon ? Au-delà du diagnostic souvent plus tardif et du sentiment d’injustice ressenti par ces patients, la réponse apportée par la science sur les raisons de survenue de leur cancer demeure à ce jour encore peu claire, même s’il apparait que ces tumeurs sont différentes de celles développées chez les fumeurs.
Un fin mécanisme moléculaire
Tabagisme passif, exposition professionnelle à des agents cancérogènes, pollution extérieure sont évidemment les causes les plus souvent évoquées mais on estime à ce jour qu’environ un cancer bronchique sur deux du non-fumeur reste inexpliqué.
Selon des travaux récents présentés lors du congrès européen consacré au cancer, l’Esmo, l’équivalent européen de l’Asco qui se déroule du 9 au 13 septembre 2022 à Paris, tout dépendrait d’un fin mécanisme moléculaire d’interaction entre d'une part les très fines particules de polluants présentes dans l’air, celles dites PM 2,5 (moins de 2,5 micromètres) issues des gaz d’échappement et de la fumée des combustibles fossiles avec d'autre part des mutations génétiques à risque préexistantes présentes sur des cellules pulmonaires saines.
Le rôle cancérogène incontestable des particules fines
L’annonce repose sur de solides études associant épidémiologie, biologie cellulaire et moléculaire conduites par le Pr Charles Swanton de l’Institut Francis Crick (Londres). Son équipe vient de démontrer le rôle cancérogène incontestable des particules fines en analysant environ 250 échantillons de tissus pulmonaires humains sains, jamais exposés au tabac ou à une forte pollution et provenant d'autopsies de personnes décédées d'autres pathologies.
Selon ces analyses, des mutations de deux gènes déjà connus pour favoriser le développement tumoral, EGFR et KRAS, sont apparues dans respectivement 18 % et 33 % des cas. Et le scientifique de poursuivre : "Quand des cellules pulmonaires saines porteuses de ces mutations sont exposées aux polluants atmosphériques, les cancers se développent plus fréquemment et plus rapidement que si ces mêmes cellules ne sont pas exposées aux polluants". Ce qui démontre le rôle direct de la pollution atmosphérique, tel un direct et puissant "booster" favorisant l'initiation des mécanismes de cancérisation au niveau des cellules saines.
Avec d'autres travaux menés à la fois sur la souris et en clinique humaine, les chercheurs ont montré d'une part que la pollution de l’air augmentait l’afflux des macrophages qui sécrètent une cytokine pro-inflammatoire, l’interleukine-1β, un stimulant de la prolifération des cellules porteuses de mutations de l’EGFR au contact des particules fines, et que d'autre part, bonne nouvelle, en bloquant cette interleukine-1β, il était possible d'inhiber le développement du cancer du poumon.
En France, 12% des personnes atteintes d'un cancer du poumon sont non-fumeurs
Autant de travaux qui ouvrent de nouvelles pistes de recherche et de traitement, même s'il sera évidemment difficile d'échapper à l'inhalation des particules fines dont la concentration est extrêmement variable sur la planète. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, le seuil de PM 2,5 à ne pas dépasser est fixé à 5 microgrammes par mètre cube en valeur moyenne annuelle et on considère que dans l'Hexagone les niveaux d'exposition sont environ deux à trois fois plus élevés.
Prochaine étape pour l'équipe britannique : "comprendre pourquoi certaines cellules pulmonaires porteuses de mutations deviennent cancéreuses lorsqu'elles sont exposées à des polluants alors que d'autres ne le sont pas", a déclaré le Pr Swanton. Déjà en 2019, d’autres spécialistes avaient tiré la sonnette d’alarme face à ces cancers des non-fumeurs, en insistant sur les circonstances de découvertes souvent tardives, les médecins étant moins enclins à rechercher ce type de cancer si les patients ne fument pas.
En France, selon une étude présentée cette année au congrès de la société de pneumologie (Lille), les non-fumeurs représentaient il y a 20 ans 6% des personnes atteintes d’un cancer du poumon, ils sont aujourd’hui 12%.
Science et Avenir
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