vendredi 19 août 2022

SUR L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS MEDICAUX : L' 'ONIAM' EN CAUSE.

Les effets indésirables de l’office public d’indemnisation des victimes d'accidents médicaux

Quatre personnes victimes de complications suite à l'injection de vaccins anti-Covid ont été indemnisées, vient de faire savoir l’Oniam. D’autres pourraient suivre. Mais le bilan de cet organisme public chargé depuis vingt ans d’indemniser les victimes d’accidents médicaux pose question : au lieu de faciliter la vie des malades, il la complique bien trop souvent.

 

Caroline Coq-Chodorge et Rozenn Le Saint  /  Médiapart

18 août 2022 à 15h32 

 

Dans la campagne de vaccination contre le Covid-19, une nouvelle phase s’ouvre, incontournable : celle de l’indemnisation des victimes des effets indésirables, rares mais graves. Plusieurs ont été identifiés par les autorités sanitaires, que ce soit l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou l’Agence européenne des médicaments, à partir des remontées de pharmacovigilance.

Le vaccin AstraZeneca a provoqué des thromboses atypiques : trente ont été reconnues en France par l’ANSM, certaines mortelles. Pour le vaccin Johnson & Johnson, l’Agence nationale de sécurité du médicament reconnaît quatre événements thromboemboliques veineux en lien avec la vaccination. Et pour les vaccins à ARN messager contre le Covid-19 de Pfizer-BioNTech et de Moderna, un lien plausible avec des cas de myocardites a été établi, mais sans gravité, car « concernant les cas de décès déclarés, les données actuelles ne permettent pas de conclure qu’ils sont liés au vaccin », estime l’agence.

Dans le centre de vaccination contre le Covid-19, au Palais des Sports de Lyon, le 14 janvier 2021. © Photo Jean-Philippe Ksiazek / AFP
 

Pour les vaccins anti-Covid, l’industrie pharmaceutique a obtenu que les États assument la responsabilité et les éventuelles indemnisations financières des possibles victimes de leurs effets indésirables, sauf si une faute des laboratoires est établie.

Il existe quand même la possibilité d’aller au pénal pour tenter de la démontrer. L'avocat Me Étienne Boittin, a déposé près de quarante plaintes contre X pour homicide involontaire devant la justice pénale. Le pôle de santé publique du tribunal judiciaire de Paris se serait saisi d’une seule, celle de la famille d’Anthony Rio, l’étudiant en médecine nantais mort le 18 mars 2021 d’une thrombose veineuse, dix jours après sa vaccination. « La famille attend des réponses, que le ou les responsables du décès de leur fils, s’il y en a, soient jugés, explique MBoittin. Il y a des raisons légitimes de s’interroger sur la responsabilité des autorités de santé, du laboratoire. » Il regrette que, pour ses autres plaintes, « les procureurs locaux traînent les pieds ».

Mais d’autres avocats n’ont pas conseillé la voie pénale à leurs clients. C’est le cas de Jean-Christophe Coubris, l’avocat qui a défendu le plus grand nombre de victimes dans le procès du Mediator, un coupe-faim déguisé en antidiabétique fabriqué par le laboratoire Servier. Cette fois, les procédures judiciaires n’ont à ses yeux « pas de sens ». « Dautres médicaments justifieraient bien plus une action au pénal que les vaccins contre le Covid-19, estime l’avocat bordelais. C’est dramatique pour la personne concernée par un effet indésirable, mais par rapport au très grand nombre de personnes protégées, la balance bénéfice-risque est positive»

« La plainte pénale a peu de chances d’aboutir car il faudrait prouver une intentionnalité du laboratoire fabriquant le vaccin Covid-19, comme il a fallu prouver que Servier avait sciemment caché les risques du Mediator. On n’en est pas là », estime lui aussi l’avocat normand Me François Jégu.

Dans les cas particuliers des campagnes de vaccination contre le Covid-19 et la grippe H1N1, l’État a accepté de supporter la charge financière à la place des laboratoires. Pour que les éventuelles victimes d’effets indésirables perçoivent des indemnisations, il a directement missionné l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), établissement public créé en 2002 et chargé de procédures à l’amiable. C’est donc la voie de recours à emprunter, et censément la plus rapide.

Vaccin contre le Covid-19: le lobby pharmaceutique se dédouane par avance

S’agissant du Covid, les indemnisations ont débuté, a annoncé l’Oniam à l’occasion de la parution de son rapport annuel, à la mi-juillet : 440 victimes présumées, ou proches de personnes décédées, avaient déposé des dossiers d’indemnisation au 31 mars 2022 ; et quatre ont d’ores et déjà été indemnisées.

Le directeur de l’Oniam, Sébastien Leloup, sollicité à de très nombreuses reprises, n’a pas souhaité communiquer sur le montant de ces indemnisations ni sur le type de vaccin concerné.

L’Oniam est une belle idée. Créé par la loi de 2002 sur les droits des malades, l’office doit faciliter la vie des victimes d’un accident médical, d’un effet secondaire après la prise d’un médicament, ou d’une infection nosocomiale contractée au cours d’un séjour dans un établissement de santé. Auparavant, elles devaient se tourner, seules, devant la justice, contre un professionnel de santé, un établissement ou un laboratoire pharmaceutique, pour faire reconnaître le lien entre leur maladie et le traitement reçu ou leur passage à l’hôpital. Un parcours du combattant coûteux et incertain, rendu plus difficile encore pour des personnes fragilisées.

 Depuis vingt ans, l’Oniam est ainsi l’intermédiaire public chargé d’expertiser, gratuitement, le dommage des victimes et de déterminer « l’imputabilité », c’est-à-dire le lien de cause à effet, entre un médicament ou une opération et l’apparition d’une maladie ou d’un handicap. Lorsqu’il est avéré, une procédure amiable est possible, si l’assurance du professionnel de santé ou le laboratoire pharmaceutique proposent une indemnisation à la victime.

Si l’assureur ou le laboratoire pharmaceutique refusent, l’Oniam se substitue et propose une indemnisation à la victime et se charge ensuite de recouvrer l’argent avancé : c’est ce qui se passe dans l’affaire de la Dépakine, l’antiépileptique commercialisé par Sanofi (lire l’article sur l’indemnisation au rabais des victimes de la Dépakine). Et si l’expertise reconnaît le préjudice de la victime sans pour autant identifier un responsable, l’Oniam propose une indemnisation, cette fois au nom de la solidarité nationale.

Mes clients ne sont pas antivax, ils veulent simplement que leur préjudice soit reconnu.

Maître François Jégu, avocat de Anne

Anne * a déposé l’un de ces dossiers devant l’Oniam. Cette infirmière âgée de 50 ans a reçu sans hésitation une dose d’AstraZeneca dès qu’elle en a eu la possibilité, en février 2021. Les jours suivants, elle a ressenti une « grosse grosse fatigue » et a demandé à une collègue de prendre sa tension. Elle était élevée, c’était inhabituel pour cette sportive qui nageait une heure et demie trois fois par semaine, en plus de pratiquer le yoga et le pilates.

Cinq jours après l’injection, elle a ressenti « une très forte oppression thoracique ». Son compagnon l’a conduite aux urgences en pleine nuit, juste à temps, direction la table d’opération. Elle s’est fait poser deux stents pour sauver son cœur d’un infarctus provoqué par une thrombose.

Anne est restée cinq jours en soins intensifs, a subi depuis une lourde rééducation, a dû arrêter de travailler durant six mois. Elle est aujourd’hui encore sous traitement. En mars, quand le vaccin AstraZeneca est suspendu en raison de cas graves de thromboses, puis recommandé uniquement pour les plus de 55 ans, l’infirmière prend conscience que le vaccin est peut-être à l’origine de son accident vasculaire.

« J’ai vécu un traumatisme psychologique et des nuits d’insomnie, raconte-t-elle. D’un côté, en tant qu’infirmière, je voulais porter le message de santé publique sur la vaccination, mais mes proches hésitaient à recevoir une injection après avoir eu peur de me perdre. De l’autre, j’étais en colère de ne pas trouver d’écoute auprès du personnel soignant alors que j’ai passé trente ans à écouter la souffrance des autres. » 

Elle finit par contacter l’avocat François Jégu, spécialiste du droit médical. « Mes clients ne sont pas antivax, ils veulent simplement que leur préjudice soit reconnu », commente celui qui défend en tout sept victimes potentielles des vaccins anti-Covid-19. Cinq ont reçu une injection d’AstraZeneca, deux de Pfizer BioNTech.

François Jégu oriente donc Anne vers l’Oniam. Elle le saisit fin août 2021, est convoquée par un collège d’experts en juin 2022. L’infirmière espère une réponse d’ici à septembre et, si le lien n’est pas reconnu, elle envisage de faire appel de la décision de l’Oniam devant le tribunal administratif.

L’Oniam dysfonctionne, depuis longtemps

« L’Oniam a été extraordinaire pour les victimes Mediator : sans lui, il n’y aurait pas eu autant d’indemnisations, loue l’avocat Me Charles Joseph-Oudin, lui aussi spécialisé en santé publique. Mais il souffre de graves dysfonctionnements, c’est de la responsabilité du politique de le moderniser. »

C’est sans doute dans l’indemnisation d’une autre campagne vaccinale que l’Oniam a le plus failli : celle contre la grippe H1N1, qui s’est déroulée à l’automne et à l’hiver 2009-2010. Cette pandémie a été l’objet d’une alerte mondiale de santé publique et a justifié une campagne massive de vaccination dans de nombreux pays. Toute la population française, dès l’âge de 6 mois, a été invitée à se faire vacciner. Six millions de personnes ont finalement accepté l’injection. Comme pour la vaccination contre le Covid, les États ont pris à leur charge l’indemnisation des éventuels effets secondaires.

À l’été 2010, les autorités de santé de Finlande ont été les premières à signaler une augmentation anormale de cas de narcolepsie-cataplexie chez les enfants vaccinés avec le Pandemrix du laboratoire GSK. Cet effet secondaire rare mais très grave a été confirmé en France. La narcolepsie-cataplexie est un trouble de sommeil rare et incurable, très handicapant : les malades souffrent d’incontrôlables somnolences diurnes et, sous le coup de l’émotion, perdent brutalement tout tonus musculaire.

Douze ans après, 63 personnes indemnisées seulement

L’Oniam a reçu 217 dossiers d’indemnisation depuis 2011. Douze ans après la campagne de vaccination, « il y a eu 63 personnes indemnisées. Plus d’une centaine d’indemnisations sont toujours en cours », regrette Manon Brigandet, la présidente de l’Association française de narcolepsie-cataplexie. « L’Oniam missionne des experts et réfutent leurs avis, puis missionnent d’autres experts. On a l’impression qu’ils jouent sur la lassitude des gens, pour qu’ils finissent par abandonner ou par accepter des indemnisations ridicules. Car lorsqu’elles vont en justice, les victimes peuvent être jusqu’à huit fois mieux indemnisées ! On parle de gens malades, très fatigués. C’est une forme de maltraitance. »

Des doses de vaccin au début de la campagne de vaccination, à Douai en mars 2021. © Caroline Coq-Chodorge / Mediapart
 

« Le référentiel de lindemnisation Oniam est une catastrophe, renchérit l’avocat Me Jean-Christophe Coubris. Je ne laccepte presque jamais sauf si la victime me le demande. LOniam prend en compte la difficulté des victimes mais ne va pas au bout comme il devrait le faire en les indemnisant de façon juste. »

Dans un rapport très critique rendu en février 2021, l’Inspection générale des finances (IGF) reproche aussi à l’Oniam que les délais légaux pour rendre une décision ne soient « pas respectés ». La proposition d’indemnisation de l’Oniam arrive parfois après le décès des malades.

« Les rapports se sont succédé, qui tous estiment que les victimes sont sous-indemnisées, que les délais d’indemnisation sont bien trop longs. Mais rien ne change », dénonce Me Charles Joseph-Oudin, qui défend le plus grand nombre de victimes potentielles du vaccin H1N1. Les délais de traitement des dossiers H1N1 restent anormalement longs, bien au-delà des six mois légaux : 544 jours en moyenne en 2021, presque deux ans, entre le moment où l’expertise médicale est rendue et la proposition d’indemnisation.

Les contentieux sont très nombreux : sur les trente-neuf dossiers traités en 2021, neuf personnes ont saisi la justice administrative pour contester le refus de l’indemnisation via l’Oniam ou son montant… engorgeant ainsi les tribunaux alors que l’office a justement été créé pour éviter aux victimes de passer par la case justice.

400 000 euros après un recours en justice

Diane * a été vaccinée en décembre 2009, à l’âge de 11 ans. « Trois mois après, jai commencé à beaucoup dormir, alors que j’étais très dynamique. Pendant les cours, je mendormais tout le temps. » Seulement, il a fallu « deux ans pour poser un diagnostic, quand on ma fait une ponction lombaire ». Sa mère se tourne en 2015 vers l’Oniam. La première expertise se passe mal, la deuxième finit par reconnaître le lien de causalité, les souffrances de l’enfant, toutes les aides de la vie quotidienne qu’elle a dû recevoir, les répercussions sur son avenir professionnel. L’Oniam fait une proposition d’indemnisation à 45 000 euros.

La famille de Diane envisage d’accepter l’offre d’indemnisation, mais c’est la justice qui la met en garde. Dans le processus d’indemnisation, les enfants sont en effet suivis par un juge des tutelles, qui veille à leurs intérêts. Le juge qui suit Diane s’oppose à l’offre de l’Oniam en 2015 : « Je ne peux homologuer en l’état la transaction proposée, car le déficit fonctionnel permanent et les souffrances endurées ne sont pas les mêmes dans le protocole de l’Oniam et dans l’expertise médicale. » Autrement dit, pour le juge des tutelles, l’Oniam a minoré le préjudice subi par Diane. « On a eu la chance de recevoir à temps la lettre du juge. J’imagine que beaucoup de gens acceptent leur indemnisation ridicule », souffle Diane.

Devant la justice administrative, sa famille a contesté la décision de l’Oniam et a finalement obtenu en 2017 près de dix fois plus : 400 000 euros. « Avec largent, jai pu macheter un appartement près de ma faculté de droit. Cela me facilite la vie, car les transports sont dangereux pour moi, je my endors souvent. Je prends 13 médicaments, jai besoin dun tiers-temps dans mes études. Lannée prochaine, je dois faire un stage à l’étranger qui minquiète beaucoup : comment est-ce que je vais faire avec mes médicaments ? Certains sont si forts quils ne sont délivrés qu’à lhôpital. Je sais que ma vie professionnelle sera compliquée. Cette indemnisation, elle vaut pour le reste de ma vie. Je la prends comme une assurance pour lavenir. »

L’Oniam a été créé pour remplir une mission en faveur des victimes. En réalité, il nous rajoute un combat.

Marie, victime du vaccin H1N1

Marie *, elle, n’a d’abord pas été reconnue comme une victime du vaccin H1N1 par l’Oniam. « Jai été vaccinée en décembre 2009, à l’âge de 11 ans. En mars-avril, jai ressenti les premiers symptômes : des endormissements et des cataplexies. C’était bizarre, mais cela a été mis sur le compte d’un changement de mon mode de vie. Mon médecin généraliste a fait le lien. » Le diagnostic est posé en juin 2012. Les parents se tournent vers l’Oniam, une expertise est réalisée, laquelle estime que la probabilité est forte d’un lien entre la maladie et le vaccin. Mais l’Oniam s’oppose à l’expertise et refuse l’indemnisation : « Ils ont estimé que le temps entre la vaccination et le diagnostic était trop long », explique Marie. L’Oniam joue ainsi sur l’errance médicale des malades, courante pour ce genre de maladies rares.

Les parents de Marie font eux aussi appel en se tournant vers la justice administrative. Entre-temps, l’Oniam s’est ravisé et a finalement proposé une indemnisation partielle de 60 000 euros en septembre 2020. Une offre qui s’est révélée, une fois encore, dérisoire. En décembre 2020, onze ans après sa vaccination, l’Oniam a été condamné à verser à Marie une indemnisation de 380 000 euros, auxquels s’ajoute une rente trimestrielle pour couvrir toutes les aides de la vie quotidienne dont elle a besoin. Le préjudice de la famille a lui aussi été reconnu.

Étudiante en droit, Marie porte un regard de juriste sur cette institution publique : « LOniam ne fonctionne pas. Il a é créé pour remplir une mission en faveur des victimes. En réalité, il nous rajoute un combat. L’État a pris sur lui la responsabilité des effets indésirables des vaccins. Mais son délaissement est total. » Julie n’a désormais plus confiance dans les autorités sanitaires et refuse d’être vaccinée contre le Covid.

« Parfois, jai envie de baisser les bras », raconte Véronique S.* à son tour. Sa fille Manon a été vaccinée en novembre 2009, à l’âge de 9 ans. À la fin de l’année scolaire, les premières difficultés d’apprentissage apparaissent, puis les crises de cataplexie. Ce n’est qu’un an et demi plus tard qu’un psychologue évoque le diagnostic de narcolepsie. « Le ciel nous tombe sur la tête : on comprend que cette maladie est incurable, que les seuls traitements atténuent simplement les symptômes. » Manon doit prendre de puissants médicaments, aux lourds effets secondaires, notamment le Xyrem, du GHB. « Quelles seront les conséquences à long terme sur sa santé ? », s’inquiète sa mère.

Là encore, prétextant le délai du diagnostic, l’Oniam refuse d’indemniser malgré une expertise médicale favorable. Une fois encore, la justice administrative condamne l’Oniam, en juillet 2021, à verser la somme de 365 000 euros à Manon, ainsi qu’une rente à vie et une autre rente le temps de la scolarité. « Si Manon vit jusqu’à 80 ans, elle aura reçu la somme de 1,3 million d’euros », a calculé sa mère.

Pourtant, la bataille n’est pas terminée : « LOniam a fait appel, raconte Véronique S., qui n’en revient toujours pas. Cest honteux ce qui se passe, de jouer ainsi avec la maladie dune enfant qui na rien demandé. Cest de ma faute si elle a fait ce vaccin. Depuis, plus personne naccepte d’être vacciné dans notre famille. »

Plus de dix ans pour indemniser des victimes, des expertises à répétition, des procédures en appel : quel est le coût pour l’assurance-maladie, qui finance l’Oniam à hauteur de 135 millions d’euros en 2022, de ce traitement à rallonge, au mépris des victimes ? Entre 2017 et 2019, le nombre de procédures contentieuses lancées contre l’Oniam a bondi de 30 %, selon le rapport de l’IGF.

De très graves défaillances de gestion

Et pour ne rien arranger, cet établissement fait aussi très mal l’autre partie de son travail, qui consiste à recouvrer les sommes avancées aux victimes, en se retournant vers les assureurs en cas d’accident médical, ou vers les laboratoires pharmaceutiques, quand un médicament est en cause et que les États ne se sont pas engagés à assumer les réparations, comme c’est le cas pour la vaccination contre le Covid-19 et H1N1.

En 2017, les magistrats de la Cour des comptes ont dénoncé dans leur rapport annuel de « graves défaillances de gestion », « un dispositif en échec » au lieu d’être « simple, objectif et rapide ».

Le rapport complet du contrôle des comptes de 2011 à 2015, que Mediapart s’est procuré, était plus sévère encore : il pointait « l’absence de pilotage, l’usage souvent irrégulier des deniers publics », mais aussi « le peu d’empressement des services juridiques et du budget de l’Oniam à recouvrer les créances sur les assureurs qui va jusqu’à “l’égarement” de plusieurs millions d’euros de créances ».

À la suite de ce rapport, le directeur de l’Oniam, Erik Rance, a été débarqué, puis condamné en décembre 2020, ainsi que deux autres cadres de l’Oniam, par la Cour de discipline budgétaire et financière à des amendes de 5 000 à 12 000 euros pour des « irrégularités » qui ont « gravement porté atteinte aux principes généraux de bonne gestion ».

Depuis, avec un nouveau directeur, la situation s’est améliorée, mais dans une toute petite mesure, a constaté l’IGF à son tour en 2019. L’Oniam n’est parvenu à recouvrer que 24 % des sommes avancées.

Lorsque l’assureur ou le laboratoire ne répondent pas une première fois à un ordre de recouvrement, l’Oniam ne prend la peine de les relancer que dans 30 % des cas. « LOniam, cest l’État profond, s’indigne l’avocat Charles Joseph-Oudin. Une institution publique qui a échappé à tout contrôle et semble mettre toute son énergie à faire des misères aux victimes. »

Caroline Coq-Chodorge et Rozenn Le Saint

 


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