vendredi 6 mai 2022

"CASSE ANTI-ECOLOGIQUE" : MACRON VEUT "REHAUSSER SON AMBITION CLIMATIQUE", ALORS QUE "LE TEMPS N'EST PLUS A L'AMBITION MAIS A L'ACTION" !

Depuis la réélection de Macron, le sabotage climatique se poursuit

Si, le soir du second tour, le président de la République a promis de faire de la France « une grande nation écologique », les mesures à contresens de l’urgence climatique n’ont cessé depuis de s’enchaîner. Passage en revue de cette casse anti-écologique à la veille de l’investiture du chef de l’État.

Mickaël Correia  / Médiapart

6 mai 2022 à 17h30 

 

Sa politique « sera écologique ou ne sera pas », a juré Emmanuel Macron durant l’entre-deux-tours de la présidentielle, évoquant même un futur premier ministre chargé de la planification écologique. Et le soir de sa réélection, le président de la République de déclarer : « Faire de la France une grande nation écologique, c’est notre projet. »

Durant cette même soirée, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a quant à lui asséné que ce deuxième mandat « doit être un quinquennat écologique » – mettant sous le tapis le fait que son plan de relance avait octroyé 100 milliards d’euros aux entreprises sans les conditionner au respect de l’objectif fixé par l’Accord de Paris de limiter le réchauffement à + 1,5 °C.

Ce nouveau quinquennat, qui s’achève en 2027, est celui de la dernière chance face à l’urgence climatique qui nous impose de diviser par deux nos rejets de gaz à effet de serre d’ici à la fin de la décennie.

Un des défis majeurs d’Emmanuel Macron sera de doubler le rythme de baisse des émissions de CO2 du pays. Un chantier titanesque, d’autant plus que l’État français a récemment été condamné par deux fois pour son inaction climatique.

Emmanuel Macron lors d'une réunion avec des expert·es du climat au palais de l'Élysée, à Paris, le 4 mai 2022. © Photo Stéphane de Sakutin / Pool / AFP
 

Des aides à la rénovation revues à la baisse

Une des pistes prioritaires avancée par le chef de l’État pour réduire notre consommation énergétique est de rénover 700 000 logements par an durant les cinq prochaines années. Mais le chemin s’avère tortueux.

Le dispositif MaPrimeRénov’, mis en place en 2020 pour aider les Français⸱es à isoler leur habitat, a pour l’instant surtout servi à subventionner des petits gestes, comme la pose de double vitrage, qui n’améliorent pas assez le bilan carbone des bâtiments. Résultat : en 2021, selon la Cour des comptes, seuls 2 500 logements sont sortis du statut de passoire thermique, au lieu des 80 000 prévus en 2021.

À contresens de la promesse macronienne d’inciter massivement à la rénovation pour les cinq ans à venir, le 1er mai dernier, les primes liées aux certificats d’économie d’énergie – un dispositif permettant aux ménages de bénéficier d’aides pour financer certains travaux d’isolation – ont été revues à la baisse d’environ 30 %. Les subventions pour l’isolation des murs connaissent les plus fortes réductions, avec des montants réduits jusqu’à 58 %.

« C’est une baisse paradoxale qui intervient au moment où la maîtrise de l’énergie n’a jamais été aussi cruciale pour lutter contre la précarité, le réchauffement climatique et la hausse des prix de l’énergie », a confié Marina Offel d’Hellio, société spécialisée dans les économies d’énergie.

Les raisons de cette mesure anti-écologique ? Ces certificats d’économie d’énergie sont financés par les fournisseurs d’énergie, qui ont pour obligation de compenser leur impact environnemental à travers ce dispositif. Mais les entreprises de l’énergie ont décidé de diminuer les aides versées à cause des dérives des offres d’« isolement à 1 euro » proposées par les artisans et au prétexte que la moitié des objectifs fixés par le gouvernement d’ici à 2025 a déjà été atteinte.

Contrat climaticide

Le lendemain, soit le lundi 2 mai, le groupe énergétique français Engie a passé un contrat avec la firme américaine NextDecade pour être approvisionné de 1,75 million de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) par an, dans l’optique de se libérer de la dépendance au gaz russe.

Un accord courant de 2026 jusqu’en 2041 terriblement climaticide. La production de GNL nécessite d’importantes quantités d’énergie et libère beaucoup de gaz à effet de serre, ce qui conduit le GNL à avoir une empreinte carbone supérieure d’au moins 20 % à celle du charbon, comme l’avait indiqué à Mediapart Robert Howarth, chercheur à l’université Cornell aux États-Unis.

Pis, le GNL américain est en grande partie issu du gaz de schiste obtenu par fracturation hydraulique, un procédé industriel interdit en France depuis 2011 du fait de son impact climatique et du fort risque de contamination des nappes phréatiques.

L’État français, premier actionnaire d’Engie à hauteur de 24 %, avait pourtant renoncé en novembre 2020 à la signature d’un contrat d’approvisionnement en GNL avec NextDecade, au motif que l’accord « ne correspondait pas à [sa] politique de transition écologique »...

« Ce contrat incarne comme jamais l’hypocrisie et le double discours du gouvernement vis-à-vis du climat et de la crise énergétique, a indiqué Lorette Philippot, des Amis de la Terre. Il martèle que la guerre en Ukraine appelle à nous libérer de la dépendance aux énergies fossiles mais nous enfonce dans des décennies d’addiction au gaz de schiste. »

Saborder la protection des océans

Le jour suivant, le Parlement européen a voté en faveur d’un rapport d’initiative sur « l’économie bleue durable » consacré aux océans. Pour ce texte non contraignant, l’eurodéputée écologiste Caroline Roose a proposé un amendement qui visait à interdire dans les aires marines protégées le chalutage de fond, une pratique de pêche industrielle ravageuse pour la biodiversité des fonds marins.

86 % des eaux européennes protégées, en effet, sont actuellement intensément chalutées. Et dans certaines de ces aires marines, le chalutage y est 1,4 fois plus intense que dans les espaces non préservés.

LREM a méthodiquement saboté l’ambition européenne de protection de l’océan et de la biodiversité.

Claire Nouvian, fondatrice de Bloom, ONG de lutte contre la destruction des océans

Mais avant le vote, l’élu LREM Pierre Karleskind et son groupe parlementaire Renew Europe ont proposé un autre amendement, nettement moins ambitieux en termes de prohibition du chalutage de fond, la circonscrivant aux zones des aires marines protégées que les scientifiques estiment les plus menacées.

Alors que Pierre Karleskind s’est targué d’avoir fait de « l’écologie pragmatique », Claire Nouvian, fondatrice de Bloom, une ONG de lutte contre la destruction des océans, s’est pour sa part insurgée : « LREM a méthodiquement saboté l’ambition européenne de protection de l’océan et de la biodiversité. Donc c’est clair, Emmanuel Macron : votre “nation écologique” est une imposture. L’Histoire et les générations futures vous jugeront pour votre inaction climatique. »

Copie bâclée

Enfin, le gouvernement a rendu cette semaine au Conseil d’État sa copie pour réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre du pays.

Estimant que l’État n’était pas à la hauteur du défi climatique, la plus haute juridiction administrative française, dans une décision historique rendue le 1er juillet 2021, avait enjoint au gouvernement de « prendre toutes mesures utiles » pour renforcer dans un délai de neuf mois sa politique de diminution des rejets de CO2.

Climat : la France en péril

Toutefois, au lieu de déposer sa réponse le 31 mars dernier comme l’avait exigé le Conseil d’État, le gouvernement a attendu jusqu’au mercredi 4 mai pour apporter les justificatifs demandés.

Par ailleurs, le mémoire transmis à l’instance juridique s’apparente plus à un satisfecit qui s’appuie largement sur le bilan du premier quinquennat mais cache mal que sa loi « Climat et résilience », promulguée l’an dernier, permet de réaliser moins de 10 % du chemin à parcourir d’ici à 2030 pour freiner le réchauffement global. Et que la France est le seul État de l’Union européenne à n’avoir pas atteint ses objectifs d’énergies renouvelables.

Dans son résumé envoyé au Conseil d’État, le gouvernement martèle à longueur de page vouloir « rehausser » son « ambition climatique ». C’est bien là que le bât blesse. Le temps n’est plus à l’ambition mais à l’action. Le jeudi 5 mai a marqué le « jour du dépassement » de la France, soit la date à laquelle notre pays a émis plus de gaz à effet de serre et exploité plus de ressources que ce que la planète est capable de supporter.

Mickaël Correia

 

Aucun commentaire: