lundi 25 avril 2022

"LE MAL ELU" ?... NON, BEAUCOUP PLUS INQUIETANT : LE RECONDUIT JUSQU'AU 19 JUIN POUR LA VRAIE - ET ULTIME ? - DECISION... (1)

Édito — Présidentielle

Le mal élu

 

Hervé Kempf  /  Reporterre  / 25.4.2022 -  10.13

 

Emmanuel Macron est encore président. Grâce au rejet de Marine Le Pen plus qu’à une quelconque adhésion à son « projet ». Ce dernier va néanmoins se poursuivre, au détriment de l’écologie, dans une spirale désastreuse que seules les forces de gauche et des luttes seront capables d’enrayer.

Il peut être content, le scénario s’est déroulé comme prévu. Après avoir en permanence mis en scène les thèmes de l’extrême droite — stigmatisation du « wokisme », évocation de Pétain et Maurras, téléphone à M. Zemmour, couverture totale des violences policières, lois faisant reculer les libertés publiques, reproche à Mme Le Pen d’être « trop molle » —, M. Macron s’est logiquement retrouvé face à l’adversaire qu’il avait choisie. Il a été facile alors de brandir la menace d’extrême droite, et d’emporter le morceau.

M. Macron est donc président de la République. Il est mal élu — l’extrême droite est au plus haut historique avec 42 % —, il est élu par le renfort des écologistes et d’une large partie de la gauche, il est élu sans un gramme d’adhésion à son « projet », mais il est élu. Le paradoxe, et c’est le cynisme de sa victoire, est qu’on ne peut qu’être soulagé de ce résultat. Même si ses chances paraissaient faibles, la perspective d’une Mme Le Pen à l’Élysée était cauchemardesque.

Mais il n’y a rien à attendre de M. Macron. Il déroulera son « projet » qu’il a évoqué dimanche soir 24 avril, dans un discours plat devant une foule maigrelette, promettant « la libération de nos forces académiques, culturelles et entrepreneuriales ». Entendez que le programme néolibéral et technophile va se poursuivre sans barguigner. Quant à l’écologie, il avait annoncé la couleur vendredi à Figeac : « On ne peut pas réussir l’écologie en produisant moins. » C’est pourtant le cœur du problème : il nous faut réduire la consommation matérielle et énergétique et donc, oui, consommer moins et produire moins.

Il y a d’autant moins à attendre sur l’écologie que, pendant la campagne finale et les discours, les affaires continuaient comme avant : ainsi que l’a révélé Reporterre, pendant l’entre-deux-tours, une ordonnance est venue imposer un Code minier exonérant les exploitants des dommages qu’ils causeraient ; depuis peu, le ministère de l’Agriculture tente de permettre aux agro-industriels de s’approprier l’appellation de fromage fermier ; quant à la politique de l’État, elle va toujours au soutien à l’agriculture intensive plutôt qu’à la sobriété et à la gestion raisonnable. Quant aux amis et soutiens de M. Macron, les patrons des entreprises du CAC40, on a appris en avril qu’ils avaient empoché des sommes records en 2021.

Rien ne viendra d’en haut. Et il n’y a que deux manières d’enrayer le projet technocapitaliste en France :

  • Empêcher que M. Macron ait une majorité parlementaire à sa main en juin ;
  • Poursuivre avec ténacité les centaines de luttes qui s’opposent à la destruction du monde et à la montée des inégalités.

Pour le premier point, crucial, on peut penser que les forces écologistes et de gauche, Union populaire, EELV, PC, et autres auront enfin l’intelligence de répondre à l’attente générale : s’allier, et œuvrer de concert pour imposer un nouveau rapport de force en juin.

Quant aux luttes, elles continuent comme jamais sur le front écologiste, et Reporterre vous les racontera dès demain.

Nous n’avons plus le temps de perdre. Il est mal élu. Nous sommes bien vivants.

 

 

(1) ..... celle du fameux 3e tour, quand le pouvoir législatif tentera de reprendre ses droits constitutionnels. H. Kempf concède qu'en dehors des luttes sociales et écolos à intensifier, il s'agit bien du point "crucial", mais il aurait dû préciser pourquoi. Le problème est double : il n'est pas seulement d'opposer un front des "forces écologiques et de gauche" à l'esbroufe indécente d'un pseudo repenti telle qu'elle a été donnée à voir hier (a), il est d'abord de déminer le péril fasciste. Car la 'bête immonde' - couvée par la 'bonne mère de famille' - introduira ses tentacules dans les urnes : c'est bien là le risque majeur que rares sont ceux, dans ces "forces écologiques et de gauche", à envisager pour l'instant. 

J.L. Mélenchon est bien le premier à l'avoir parfaitement compris et exprimé : une cohabitation, certes, mais la bonne ! Sinon, ce serait simplement 'gagner' deux mois avant le chaos final, simplement reculer pour mieux sauter dans l'abîme ! Puisse, à la fin des fins, une prise de conscience réelle impliquant une mobilisation générale s'imposer - plus encore que pour l'élection, ou plus exactement la reconduction, aléatoire, d'un président failli. C'est tout l'enjeu "crucial" de ces deux mois qui vont voir si nous avons une appétence véritable pour le suicide collectif. L'enjeu est vital. On n'a pas la liberté de baisser les bras. Réveillez-vous, les gens, car, oui, "nous sommes bien vivants" !

J.P. Carlin

 

(a) avec, en prime, une ministre de la "transition écologique" encore en charge, mais s'affichant, dansante sur le volcan, - clou de cette mise en scène d'embrassades et de congratulations ouverte avec l'utilisation de jeunes innocents pour un indécent et interminable défilé faisant presque regretter la prétentieuse marche de Jupiter au Louvre en 2017. 

 

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