Alors que la jeunesse va mal, Macron et le gouvernement draguent... les influenceurs
Plutôt que de s’engager dans des débats avec les représentants élus des étudiants et des lycéens, le gouvernement a choisi d’investir le monde des influenceurs, sans toujours en maîtriser les codes. Instagram, Twitch, YouTube… : tout est bon pour communiquer. Au mépris des questions de fond.
Comme tous les 14 Juillet, le président paradera et discourra. Et peut-être qu’il adressera quelques mots à la jeunesse « sacrifiée ». Mais ce que certains scruteront avant tout ne sera ni le ton, ni le fond du propos adressé à ceux qui ont cessé de voter. Cette année, l’attention ira aux détails des dorures de la République : est-ce que le candidat Macron tiendra promesse ?
Est-ce qu’un cadre sera posé à ses côtés, avec, à l’intérieur, les photos... des youtubeurs McFly et Carlito ?
En février dernier, Emmanuel Macron avait lancé en effet un défi aux deux youtubeurs aux six millions d’abonnés : si leur vidéo promouvant les gestes barrières auprès des jeunes dépassait les 10 millions de vues, le président se livrerait à un exercice cher aux deux comparses, un concours d’anecdotes. La vidéo a rapidement dépassé les 10 millions de vues.
Résultat : trois mois plus tard, Emmanuel Macron a tenu promesse et McFly et Carlito ont organisé, en mai dernier, un mini-concert punk dans les jardins de l’Élysée, sur lesquels ils ont, d’ailleurs, fait quelques roulades. Dans le faste de l’Élysée, ils se sont aussi raconté huit anecdotes, vraies ou fausses. Le concours qui opposait les youtubeurs au président s’est soldé par 4 partout, avec, à la clé, un gage à effectuer : Emmanuel Macron devra afficher un cadre avec une photo de McFly et Carlito lors de son allocution présidentielle ; les deux youtubeurs, eux, devront embarquer dans un avion de la patrouille de France pendant le défilé...
Sur le fond, dans cette vidéo longue de près de 40 minutes, le président n’aura toutefois eu à s’exprimer sur aucun des sujets fondamentaux pour la jeunesse. À quand la réforme des bourses du Crous promise par l’exécutif ? Pourquoi avoir refusé l’accès au RSA à partir de 18 ans ? Quelle est la responsabilité du ministère de l’intérieur dans l’offensive violente à l’encontre des jeunes qui font la fête ? Que veut dire la ministre de l’enseignement supérieur quand elle répète partout que 34 000 nouvelles places vont être ouvertes à l’université sans jamais préciser combien d’enseignants seront recrutés ?
D'autres questions ont surgi depuis. Comment, dans un même temps, Emmanuel Macron peut-il se dire féministe et culpabiliser les jeunes femmes qui portent des crop-tops, comme il l’a fait dans une interview récente donnée au magazine Elle ? Comment expliquer que la jeunesse, mobilisée pour le climat, contre les violences policières ou les féminicides, ne se déplace pas pour aller voter ?
« C’est une vidéo politique sans politique, juste pour rendre le président sympathique », tranche Paul Mayaux, président de la Fage, premier syndicat étudiant. Les bénéfices publicitaires de la première vidéo de sensibilisation faite par McFly et Carlito ont été reversés aux Agoraé, des épiceries solidaires créées par la Fage pour venir en aide aux étudiants précaires et pourtant Paul Mayaux insiste : « Ce n’est pas parce qu’on a des subventions ou des dons qu’on ne peut pas critiquer. La vidéo tournée à l’Élysée, c’est le paroxysme de la dépolitisation des messages envoyés à la jeunesse. »
Un monarque et ses bouffons
« Ils considèrent qu’il suffit de faire des blagues pour convaincre les jeunes, renchérit Mélanie Luce, présidente de l’Unef. Avant, ils essayaient de vendre leur politique jeunesse, maintenant, ils vendent juste Macron comme quelqu’un de cool. » Et
l’exercice est périlleux tant le président des boomers semble parfois
verser dans la caricature. Il lui arrive même de contredire sa propre
politique.
Alors que les annonces se succèdent jour après jour pour lutter contre le trafic de drogue, Emmanuel Macron se retrouve ainsi à s’amuser, goguenard, au souvenir d’une soirée enfumée de « substances ». Il ira même jusqu’à demander cette adresse en Corse où le soir, « avec éventuellement un petit rosé », comme le glisse McFly, on peut tranquillement fumer son joint.
« Je me suis dit que ce n’était pas cohérent mais c’est du Macron tout craché, analyse Malek Délégué, jeune chroniqueur politique sur le plateau de « Balance ton post ! », émission diffusée sur C8 et animée par Cyril Hanouna. Il s’adapte à son auditoire. Du macronisme pur. »
Cette vidéo, qui cumule désormais, 15 millions de vues, n’est en réalité que le résultat d’un long processus d’évitement des corps intermédiaires de la jeunesse.
Depuis quelques mois, Louis Boyard, étudiant en deuxième année de droit et ancien président de l’UNL (Union nationale lycéenne), est devenu le chouchou des programmateurs télé qui cherchent à opposer à la politique du gouvernement une réponse incisive portée par un jeune qui ne serait pas un responsable syndical.
Depuis deux mois, Louis Boyard officie même en tant que chroniqueur aux « Grandes Gueules », sur RMC : « Ça me fait de la peine de prendre la place d’un syndicaliste parce que je suis né dedans. Mais aujourd’hui, je ne compte plus les programmateurs de télévision qui me demandent le contact de “vrais jeunes”, sous-entendu de jeunes qui ne sont pas dans des organisations. »
Une politique éditoriale qui pourrait aussi servir, à souhait, la stratégie d’évitement des corps intermédiaires de l’exécutif : « Depuis que j’ai été élu à la tête de la Fage, je n’ai jamais eu d’échanges en plateau, en direct, avec un membre du gouvernement. Nous sommes reçus en privé mais jamais nos débats ne deviennent publics », souffle Paul Mayaux.
Un constat partagé par la présidente de l’Unef : « Je n’ai été invitée qu’une seule fois sur le même plateau que Frédérique Vidal et c’était sur France Info, pour parler de nos réunions non mixtes. Nous n’avons eu que quelques minutes pour parler de la précarité dans laquelle sont des milliers d’étudiants, elle n’a pas répondu à mes questions. »
De son côté, le gouvernement se défend de toute esquive : « Un
échange direct avec des Français n’empêche pas d’échanger avec les
corps intermédiaires. Le but est précisément de multiplier les canaux et
les formats de rencontre. Gabriel Attal a toujours reçu les
associations ou les organisations qui en faisaient la demande, notamment
des syndicats étudiants », fait savoir à Mediapart le cabinet du porte-parole du gouvernement.
Effectivement, les deux responsables syndicaux sont reçus par les cabinets, entendus dans les instances représentatives mais il semblerait que le gouvernement préfère que ces débats argumentés sur le fond des dossiers restent à huis clos, surtout à un an de l’élection présidentielle.
Et du côté des syndicats lycéens, le constat semble plus amer encore : « Tout ça s’intègre dans une rupture du dialogue social, souffle Mathieu Devlaminck, président de l’UNL. Non seulement, ils ne nous répondent pas sur les plateaux télé mais en plus, pour notre part, ils ne nous répondent pas non plus en privé, ni Sarah El Haïry, ni Jean-Michel Blanquer. Par exemple, pendant la mobilisation pour le bac, nous n’avons reçu aucune réponse après nos demandes d’entretien. Les seuls lycéens avec lesquels Jean-Michel Blanquer parle vraiment, ce sont les élus de la Vie lycéenne, mais on a le sentiment que, dans ces espaces, la parole est très aseptisée. Là, la contestation n’est pas permise, ils sont uniquement là pour recevoir les ministres qui viennent leur vendre la réforme du Bac ou le SNU [Service national universel]. »
Mathieu Devlaminck, lui non plus, ne s’est jamais retrouvé en débat face à un ministre, mais il nuance en précisant que son organisation fera partie de celles que Sarah El Hairy recevra, à partir du lundi 12 juillet, pour une grande consultation des organisations de jeunesse.
Or, là encore, pas question de parler du fond des dossiers. Dans une interview donnée le 9 juillet à la matinale de Sud Radio, la secrétaire d’État précise : « On va chercher une chose : quels sont les voies et moyens pour augmenter la participation des jeunes ? Le débat ne sera ni sur quelle politique jeunesse pour notre pays ni sur il faut telle mesure ou telle autre. La seule question à poser, c’est : comment combattre l’abstention chez les plus jeunes ? »
Un rapprochement avec les organisations de jeunesse qui étonne quand on sait qu’en privé, Sarah El Haïry et son cabinet répètent aux représentants de ces mêmes organisations qu’ils ne sont pas de « vrais jeunes », comme l’ont confirmé deux d’entre eux auprès de Mediapart.
« En plus, ils se contredisent, s’amuse Louis Boyard. Ils disent qu’ils veulent de “vrais jeunes”, en dehors des organisations, et quand des collectifs d’étudiants indépendants s’organisent, ils les évincent de la même manière. Le mouvement des étudiants en BTS a été structuré par des étudiants en dehors des organisations, et pendant des mois, ils n’ont pas été entendus. Quand Cyril Hanouna fait une émission à ce sujet, aucun membre du gouvernement n’est venu, ils ont envoyé une députée. Pour eux, c’est simple, un jeune qui s’oppose n’est pas un vrai jeune, c’est un opposant. »
De son côté, le cabinet de Gabriel Attal assure que le contact avec les représentants élus n’est pas rompu : « Nous ne décidons pas des invités avec qui les ministres sont amenés à débattre sur les plateaux TV, balayent-ils. Il s’agit de la décision des rédactions, qui sont entièrement souveraines sur le choix de leurs sujets comme de leurs invités. Toutefois, lorsque l’occasion se présente, nous répondons présent. C’est le cas, par exemple, lorsque Gabriel Attal a été invité cette année par Konbini à échanger avec des jeunes, dont Mathieu Devlaminck, président de l’UNL – avec qui il avait d’ailleurs déjà échangé sur le plateau de Cyril Hanouna. »
Les deux émissions citées se construisent selon un même schéma, l’individualisation et la dépolitisation des parcours.
Des jeunes viennent, racontent leurs angoisses légitimes et
leurs galères personnelles, Gabriel Attal prend un air concerné, les
présentateurs enchérissent et, à la fin, le porte-parole du gouvernement
rappelle les dispositifs mis en place.
Et dans toute cette agitation, la parole contestataire et politique du syndicaliste lycéen se perd, comme l’explique Mathieu Devalminck : « Quand Konbini nous contacte, ce n’est pas pour avoir une parole syndicale mais uniquement une parole de jeune. Finalement, j’y suis allé moi-même et je n’ai eu qu’un petit quart d’heure pour développer nos arguments. Konbini, quand ils font cette vidéo, c’est avec le même ton misérabiliste que beaucoup de médias qui ont montré en boucle les files d’étudiants qui ont faim. C’est nécessaire de montrer ça, mais ça ne suffit pas, ça ne questionne pas la politique jeunesse de ce gouvernement. Pareil pour l’émission chez Cyril Hanouna, où je n’étais pas en face de Jean-Michel Blanquer pour parler des lycéens mais d’une playmobil LREM de l’Assemblée nationale qui se contente de répéter les éléments de langage du ministre. Là non plus, je n’ai pas le temps de développer. On est toujours noyés dans la masse, on nous place au même titre que des jeunes qui viennent raconter leur vécu mais qui ne le politisent pas. »
Cyril Hanouna est un habitué de ce genre de pratiques et, en mai 2021, il donnait une master class du genre avec une émission faisant la promotion du plan gouvernemental « 1 jeune 1 solution », en présence de la ministre du travail, Élisabeth Borne, secouée par les questions des jeunes en plateau. Là, les étudiants défilent pour raconter leurs galères, pour trouver un mentor, un apprentissage, un stage, une alternance, et c’est le réseau de Baba, le surnom de l'animateur, qui régale, devant une ministre impuissante.
« Ça ne règle pas le problème des jeunes mais peut-être que les quelques-uns qui sont venus s’exprimer sur le plateau repartent avec quelques pistes de solution. Bien sûr, ça ne suffit pas, mais on ne peut pas cracher dessus », avance Malek Délégué.
Et en dehors des plateaux de télévision, l’exécutif poursuit l’esquive.
« Ils ont eu l’intelligence de comprendre que les jeunes ne suivent pas les médias traditionnels et qu’il faut aller les chercher là où ils s’informent. Ça, c’est une bonne chose. Mais la manière était très problématique. Ils viennent parader sur le terrain de la jeunesse, sur Instagram, sur Twitch, mais sans parler aux jeunes et en leur substituant des influenceurs qui sont de la même classe sociale qu’eux, mais surtout qui sont plus dociles et moins renseignés que des syndicalistes étudiants », ajoute encore Louis Boyard.
Il y a ceux qu’ils ont rémunérés pour vendre leur réforme comme on vend une montre ou un savon au lait d’ânesse. Ainsi le youtubeur sportif Tibo InShape a été payé pour faire la promotion du SNU sur YouTube… près de 20 000 euros, selon nos confrères de Korii, à qui l’administration a répondu que « compte tenu de l’audience de cette vidéo et des retours en interne comme en externe, c’est mieux qu’une campagne traditionnelle. Surtout qu’elle reste sur Internet, contrairement à une campagne traditionnelle éphémère, et que les followers de Tibo InShape, majoritairement des jeunes hommes, sont [sa] cible principale ».
Le ministère de l’éducation nationale a aussi fait appel à des influenceurs pour vendre sa réforme du bac, des vidéos de trois à huit minutes, payées entre 3 000 et 8 000 euros, selon une enquête du Figaro Étudiant.
En parallèle, quelques ministres ont investi les comptes Instagram, YouTube et Twitch aux meilleurs taux d’audience. Les archéologues d’Internet se souviendront du Grand Débathon, en février 2019, où dix ministres s’étaient succédé, pendant 11 heures, devant des youtubeurs et des jeunes issus de leurs communautés pour répondre à toutes leurs questions, en parallèle du Grand Débat lancé par Emmanuel Macron pour faire taire la contestation sociale.
HugoDecrypte et Jean Massiet d’Accropolis avaient convié, sur la plateforme Twitch, Édouard Philippe, qui était alors chef du gouvernement, et neuf de ses ministres.
Du côté des youtubeurs, On est Prêt, MisterGeopolitix, Léa Camilleri ou encore Usul (qui publie des chroniques sur Mediapart), qui se souvient précisément de l’ambiance spéciale qui régnait sur le plateau, entre déférence et volonté d’être incisifs : « J’y suis allé, en grande partie parce que je ne voulais pas que les ministres puissent dérouler leur discours sans contradiction. Je me suis dis qu’il valait mieux y être que de passer à côté. Du côté des youtubeurs qui organisaient la rencontre, Hugo et Jean, il y avait une volonté de faire une émission de fond et de ne pas se faire rouler dessus. Sauf que, malgré tous leurs efforts, quand des ministres arrivent, par l’arrière, avec une armée de gardes du corps, des attachés de communication qui courent partout, ça impressionne. Ces gens-là portent le prestige étouffant de leur fonction avec eux, et ça peut pétrifier même les plus préparés des youtubeurs ou des jeunes qui étaient venus intervenir. »
Malgré le mépris parfois affiché de certains ministres, le Grand Débathon était un débat de fond, où des youtubeurs, pour beaucoup très habitués à la chose politique, ont pu questionner des ministres. Depuis, un glissement s’est opéré. « Ça ne se passe plus comme ça aujourd’hui, regrette Usul. Dans ce débat, le tchat avait une réelle place, les règles de Twitch étaient respectées. Ce qui se passe aujourd’hui, avec McFly et Carlito, ou avec l’émission de Gabriel Attal sur Twitch, n’a plus rien avoir. C’est aussi parce que ce ne sont plus les mêmes qui sont aux manettes. La première émission avait des défauts mais elle se tenait parce qu’elle était orchestrée par des youtubeurs qui connaissent la politique. Aujourd’hui, c’est les services de communication des ministères ou de l’Élysée qui gèrent, et ils ne respectent même pas les codes de Twitch. »
#SansFiltre, une émission sans lumière, presque sans son, sans représentant de la jeunesse et sans le tchat
Avant cela, une autre initiative gouvernementale avait, en effet, récemment fait grincer les dents de beaucoup de jeunes internautes, et notamment d’étudiants : L’émission « #SansFiltre », diffusée sur Twitch, le mercredi 24 février 2020. Censée lancer une série régulière d’entretiens entre le porte-parole du gouvernement et de jeunes influenceurs, le premier épisode est resté l’unique épisode à ce stade. Du côté du cabinet de Gabriel Attal, on assure que la faute est aux conditions sanitaires.
« Je me demande plutôt si les services de communication n’ont pas arrêté parce que, même eux, ils ont trouvé ça nul, se questionne Usul. EnjoyPhoenix [l’une des youtubeuse présentes sur le plateau – ndlr] a quand même désavoué en direct le programme par cette simple phrase : “Je ne suis pas journaliste. D’ailleurs, je trouverais ça super que la prochaine fois il y ait un journaliste qui soit là pour rétorquer, parce que ce n’est pas mon métier. Je viens juste poser les questions que ma communauté aimerait mettre en avant.” »
L’émission a duré une heure et demie, durant laquelle les influenceurs ont interrogé le porte-parole du gouvernement sur la crise sanitaire, sur les hôpitaux engorgés, la vaccination, le couvre-feu, les universités fermées ou les conditions de vie des étudiants.
À aucun moment le tchat n’est apparu sur le plateau et, hormis par l’intermédiaire de Malek Délégué, les questions envoyées au tchat sont restées sans réponse, alors même que tout l’intérêt de Twitch réside dans cette fonctionnalité. Pire, quasiment aucune modération n’a été faite sur le tchat, laissant place aux propos hors sujet, aux insultes, aux invectives. « Pourquoi auraient-il pris en compte le tchat ? Leur intérêt, c’est de se montrer, pas de discuter », commente Louis Boyard.
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Sur le plateau de « #SansFiltre », mal éclairé et très mal sonorisé, il y avait plusieurs influenceurs, dont EnjoyPhoenix. Elle est l’une des youtubeuses mode et beauté les plus suivies de France, et elle s’est montrée étonnamment incisive, beaucoup plus que lors de sa journée avec Brune Poirson en février 2020, alors secrétaire d’État à l’écologie ou que lors de son live Instagram avec Gabriel Attal en novembre 2020.
Sans filtre en février 2021, elle a assené plusieurs coups : les chèques psys peu accessibles, les aides à l’emploi peu lisibles, le sentiment d’abandon de la part des pouvoirs publics, l’incompréhension face à la fermeture des universités qui n’a que trop duré.
Mais malgré ses efforts et les questions concrètes posées par Malek Délégué, une grande impression reste : celle que les enfants chéris de la bourgeoisie se sont vu attribuer un rôle qui ne leur sied guère. Contactées, ni EnjoyPhoenix ni son agence d’influence n’ont répondu à nos sollicitations.
Les enfants chéris de la bourgeoisie
Elise Goldfarb et Julia Layani, que le magazine Forbes présente comme « deux femmes d’influence qui chuchotent à l’oreille des grands patrons », étaient aussi présentes sur le plateau. « Je trouve qu’il y a une incohérence au niveau européen, j’ai du mal à comprendre pourquoi là je vois bien des storys d’influenceurs qui sont à Tulum (au Mexique), qui sont à Marrakech, qui sont à Madrid, qui sont à Dubaï, qui sont en Suisse en train de faire du ski. Pourquoi est-ce que vous ne vous entendez pas entre tous les pays pour dire stop ? Moi, combien j’ai de copains qui rentrent de Madrid, de Suisse, avec le Covid ? », s’interroge Elise Goldfarb.
L’influenceuse de 27 ans, qui est cofondatrice d’une agence « crea, strat et conseil », à en croire son Instagram, raconte aussi qu’elle est allée « personnellement à une vente d’œuvres d’art il y a deux semaines » : « On était serrés comme des sardines. Je me disais : mais pourquoi je ne peux pas faire ça au Louvre ? » Elise Goldfarb est si active en période de restriction qu’elle a aussi pris l’avion récemment et là, rebelote, entassés « comme des sardines », alors elle demande au porte-parole des règles sanitaires plus strictes dans les avions.
En somme, Elise Goldfarb porte mieux que personne les inquiétudes de la jeunesse de France... la plus riche, la plus proche des cercles de pouvoir, celle qui a eu le moins à pâtir de cette crise. Et d’ailleurs, la jeune femme n’est pas rancunière puisque jeudi 8 juillet, avec sa comparse Julia Layani, elle dînait avec Marlène Schiappa, Olivier Véran et Gabriel Attal. Un « dîner génial avec des gens géniaux », comme l’attestent leurs storys Instagram.
« Ils prétendent innover en parlant aux influenceurs, en réalité c’est plus confortable pour eux de parler avec des jeunes qui ont une réalité matérielle proche de la leur que de parler à des syndicalistes. Ils n’innovent pas, ils esquivent », ajoute Louis Boyard.
« Le casting de la première édition a réuni des personnes qui ont l’habitude d’échanger au quotidien avec des jeunes et qui cultivent une grande proximité avec leur communauté, sur les différentes plateformes. Nous avons également porté une grande attention aux sujets qu’ils abordent avec leur communauté », se défend de son côté le cabinet du porte-parole du gouvernement.
Et cette déconnexion agace au point qu’après la diffusion de l’émission « #SansFiltre », et notamment d’une vidéo TikTok d’EnjoyPhoenix et Fabien Cr (un autre influenceur présent sur le plateau), un mot-dièse a été lancé sur Twitter : #EtudiantsPasInfluenceurs.
Ainsi va le rapport aux corps intermédiaires en Macronie : si vos contradicteurs ne vous plaisent pas, remplacez-les par d’autres opposants, mais plus sympas. Pour Jean Castex, il est donc plus aisé, sur un ton paternaliste, d’appeler Gaspard G, « entrepreneur et créateur de contenus », que d’appeler Mélanie Luce, de l’Unef, en pleine crise étudiante.
Le youtubeur avait produit une vidéo, en noir et blanc, avec une légère musique dramatique en fond, pour dénoncer les conditions de vie des étudiants. Son discours avait ému la France mais n’appelait pas à des changements politiques particuliers. « Et il a gobé tout le discours compassionnel du premier ministre, il en a même fait une autre vidéo », s’agace finalement la présidente de l’Unef.
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