mardi 1 décembre 2020

UN PREFET DE POLICE DRESSE AU 'RESPECT DU CHEF' !

Procès Sarkozy : quand le préfet Lallement demande aux policiers un salut républicain pour l'ancien président

En coulisses

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Il est question de salut au procès Bismuth. Celui, républicain, que les policiers réservent à l'ancien président et qui agace certains magistrats. Et celui que souhaite Nicolas Sarkozy, après une enquête qu'il estime "déloyale".

Une affaire dans l’affaire aujourd’hui en marge du procès Bismuth. Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, doit-il être salué par les policiers du palais de Justice ? À l’ouverture du procès, la semaine dernière, l’ancien président a négocié in extremis un passage par les coursives du nouveau tribunal parisien, pour échapper à la traversée de la grande salle des pas perdus et la montée jusqu’à la salle d’audience par les escalators ou un ascenseur de verre. Grâce à cet itinéraire depuis le parking, l’ancien chef de l’État débouche d’un couloir quasiment juste en face de la salle Victor Hugo où l’attendent les juges. Mais dans les quelques mètres qui lui restent à franchir jusqu’à la salle, sous l’œil des caméras, il croise une demi-douzaine de policiers qui à l’ouverture du procès se sont mis au garde à vous sur son passage.

À l’intérieur de la salle d’audience en tout cas, personne n’a jamais salué « Sarkozy Nicolas » qui comparait pour corruption et trafic d’influence aux côtés de son avocat Thierry Herzog et de l’ancien magistrat de la Cour de cassation Gilbert Azibert. Dans ce tribunal, son ancien Premier ministre, François Fillon, jugé dans une salle voisine en début d’année, n’avait eu droit ni au salut, ni aux coursives.

« Cela a toussé »

Selon nos sources, certains magistrats du palais de Justice, à la vue des images de la première journée du procès, se sont émus du garde à vous républicain… au passage d’un prévenu. « Cela a toussé », confirme un agent de police, sans trop savoir « où ». Résultat aujourd’hui, en deuxième semaine, plus de garde à vous. Les fonctionnaires de police, comme a pu le constater Marianne à l’ouverture de l’audience de ce lundi, sont restés les bras de long du corps, immobiles. « On nous a dit que ce n’était pas la peine », révèle un agent. En fin de journée, changement de programme. Selon nos sources, dans l’intervalle, le préfet de police de Paris, dont dépendent les policiers en charge de la surveillance du palais de justice, a tenu à rappeler à ses troupes le « respect républicain dû à un ancien président ». « Les consignes ont été passées aussitôt, M. Sarkozy sera salué à sa sortie de la salle d’audience », indiquent à Marianne en fin d‘après-midi les services de la préfecture…

"Enquête bis déloyale"

Entre-temps, les avocats de la défense ont copieusement pilonné le dossier d’accusation, construit par deux juges d’instruction et le parquet national financier. Leur cible, cette enquête préliminaire ouverte par le PNF, en marge de l’enquête judiciaire principale, ayant visé à découvrir l’éventuelle « taupe » ayant prévenu Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog que leur téléphone clandestin « bismuth » était sur écoute. Selon la défense, une « enquête bis déloyale », « clandestine », « aux moyens démesurés, dérogatoires », un « stratagème ».

Sur son banc, Nicolas Sarkozy opine, tape sur ses cuisses, et hoche de la tête pour approuver la démonstration. Pendant plus d’une heure, son avocate, Me Jacqueline Laffont, dans un style sobre et sans effet de manche, déconstruit avec méthode cette « enquête poubelle ». Émue quand elle évoque qu’un pénaliste, Pierre Haik, son mari actuellement souffrant, a pu être soupçonné d’être la taupe ; Déterminée quand elle fustige « une incroyable accumulation de dérives » ; Choquée quand elle dénonce « l’énergie » utilisée par les juges et le parquet pour cacher cette enquête à la défense, six années durant, malgré treize demandes de communication. Sur sa chaise, Nicolas Sarkozy se prend un instant la tête dans les mains.

Tour de passe-passe

À la suite de Jacqueline Laffont, Me Hervé Temime, pour Thierry Herzog, tape sur le même clou. « Thierry Herzog ne doit pas être condamné, il n’aurait jamais dû être jugé, il n’y a aucune condamnation pénale dans cette affaire », commence le pénalise, dénonçant d’entrée la « morgue » du parquet et des juges d’instruction vis-à-vis de la défense. Lui aussi estime que le tribunal, « ne peut pas laisser passer cela » et que « l’honneur de la justice » serait d’annuler purement et simplement l’ensemble du dossier.

Pour preuve d’un zigzag déloyal des juges d’instruction entre les deux procédures, l’officielle et la cachée, l’avocat insiste sur la chronologie : les juges d’instruction lancent des perquisitions chez Thierry Herzog le 4 mars 2014 sur la base d’écoutes téléphoniques du 26 février, alors que ces écoutes n’entreront dans leur instruction que le 18 mars, soit 14 jours après leurs perquisitions ! Par quel tour de passe-passe ? Comment, dans un dossier où il est reproché à un ancien magistrat, Gilbert Azibert, des violations du secret des délibérations de la Cour de cassation, le PNF a-t-il pu jongler en dehors des clous du code de procédure pénale ? Hervé Temime ne souhaite pas des méthodes pareilles, « à son pire ennemi », mais brandit la menace de saisie de la Cour européenne des droits de l’homme.

Jean-Luc Blanchon, pour le PNF, balaye les arguments un à un, réclamant que le tribunal joigne les demandes au « fond », ce qui signifie reporte après le procès l’examen de ces demandes de nullités. Les juges rendront leur décision ce mardi à 13 h 30. S’ils devaient torpiller le dossier et tout annuler avant même que le procès ne commence vraiment, Nicolas Sarkozy, poursuivi pour corruption et trafic d’influence, n’aura prononcé à la barre qu’une seule phrase, celle qu’il a improvisée lundi, après le rappel des charges à son encontre : « Je ne reconnais nullement aucune de ces infamies pour lesquelles on me poursuit depuis six ans ». L’ancien président a dit cela mâchoire serrée. Les trois magistrats du tribunal correctionnel sont avertis : si ce mardi le procès continue, à cette barre, ce sera la guerre.

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