lundi 14 décembre 2020

LES INTERPELLATIONS PREVENTIVES ET LES RISQUES RENFORCES DE BAVURE

Manifestation contre la loi "sécurité globale" : le témoignage d'une mineure placée 24 heures en garde à vue contredit la parole des policiers

La préfecture de Paris a testé un nouveau dispositif sur le cortège qui a conduit à plus d’une centaine d’interpellations préventives. Des associations, des syndicats et des élus ont dénoncé des arrestations arbitraires mais la police défend son bilan.  

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Radio France
Publié Mis à jour

Un gendarme surveille la manifestation contre la proposition de loi "sécurité globale" via des des caméras vidéo, le 12 décembre 2020 à Paris. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Cinq mille personnes ont défilé samedi 12 décembre à Paris contre la proposition de loi "sécurité globale" et 124 ont été placées en garde à vue, dont des mineurs.  La préfecture a adopté une stratégie un peu nouvelle, rendue possible par le faible nombre de manifestants : dresser une haie de sécurité tout au long du cortège entre la place du Châtelet et la place de la République. Ainsi placés, les policiers observaient et identifiaient les potentiels casseurs pour empêcher la formation des black blocks, ces regroupements de casseurs armés.

À plusieurs reprises, les policiers ont jailli pour procéder à des interpellations. Mais l’ont-ils fait avec précision ou de manière aveugle ? La question se pose au nombre des arrestations dénoncées comme arbitraires par les associations, les syndicats et plusieurs élus présents. Céline, une lycéenne de 16 ans, a été arrêtée alors qu’elle manifestait. Elle n’a toujours pas compris pourquoi.

"Quand ils voyaient des gens en noir, ils les prenaient".

Céline, 16 ans, interpellée préventivement samedi

à franceinfo

"Ils assuraient que c’était des black blocks alors que pas du tout, c’était juste des manifestants normaux. Je suis restée 24 heures en garde à vue, poursuit Céline. Ils m’ont dit que si j’étais là, c’est parce que j’avais fait des choses illégales et ils m’ont demandé de reconnaître que je faisais partie du mouvement black block, que j’étais une personne violente. Moi, je voulais juste manifester parce que je suis contre la loi de sécurité globale et je pense que là, je ne vais plus manifester contre cette loi." Poursuivie notamment pour rébellion, tentative de violences armées contre les forces de l’ordre, Céline a été jugée dimanche. Finalement, elle n’a écopé que d’un rappel à la loi.

Des interpellations préventives pour éviter toute flambée de violence

Les forces de l’ordre assument de leur côté la stratégie du filtrage en amont, déjà vue sur de nombreuses manifestations. Elle a permis de saisir plusieurs dizaines d’armes par destination et cela a évité les jaillissements de casseurs vers les commerces et les banques. Fabien VanheMelryck, secrétaire général d'Alliance police nationale estime les interpellations dites "préventives" justifiées, rappelant qu’elles n’ont qu’un but, éviter la flambée de violence incontrôlée : "Les collègues ne font pas du 'saute dessus'. Ils observent avant d’interpeller par l’intermédiaire de groupes qui se situent tout autour de la manifestation, par l’intermédiaire de caméras vidéo. Les policiers ont fait ce qu’ils avaient à faire : ne pas attendre que ça dégénère, interpeller préventivement s’il le faut et faire en sorte que tous ces fauteurs de trouble qui se cachent derrière des 'vrais' manifestants soient interpellés et puissent cesser de nuire au bon fonctionnement d’une manifestation." 

Au final, le bilan est assez maigre du point de vue judiciaire : beaucoup d’interpellations préventives, peu de condamnations mais il n’y a pas eu non plus de dégradations de commerces. Ce nouveau dispositif de la préfecture de police de Paris a déstabilisé les manifestants.

 

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