A Paris, migrants frappés et journalistes molestés lors de l'évacuation d'un campement éphémère
Avec l'aide d'associations et d'avocats, la place de la République avait été occupée par des exilés laissés à la rue après la fermeture du camp de Saint-Denis. Les forces de l'ordre ont violemment évacué le campement dans l'heure.
Le dispositif – des tentes et des couvertures – n'aura tenu qu'un peu plus d’une heure avant d’être mis à sac par les forces de l’ordre, place de la République. Sous l'oeil impuissant de dizaines d'élus, d'avocats et de journalistes, tous pris à partie pendant une soirée marquée par des violences au coeur de Paris. Les vidéos et images de policiers secouant des tentes pour en faire tomber leurs occupants – des exilés privés d'hébergement –, de croche-pieds injustifiés et de matraquages ont même conduit le ministre de l'Intérieur à réagir en fin de soirée pour accorder cette fois du crédit aux images filmées d'une opération policière en pleine polémique sur la proposition de loi pour la sécurité globale.
«Certaines images de la dispersion du campement illicite de migrants place de la République sont choquantes. Je viens de demander un rapport circonstancié sur la réalité des faits au Préfet de police d’ici demain midi. Je prendrai des décisions dès sa réception», a fait savoir Gérald Darmanin.
«Rendre visibles»
Des tentes bleues, alignées à même le sol, avaient été installées en fin de journée lundi sur la place. A l’intérieur, des centaines de migrants préparant leurs affaires pour y passer la nuit. Les tentes avaient été installées là par les associations d’aide aux migrants. «Ce sont celles des personnes qui auraient dû être relogées et qui ne l’ont pas été à l’issue de l’évacuation de mardi [17 novembre, à Saint-Denis, ndlr]», explique-t-on à Utopia 56, à l’origine de cette action que l’on veut volontairement forte. «On crée un campement au centre de Paris», ont expliqué les associations de concert.
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Mardi dernier, la préfecture aurait dû prendre en charge l’ensemble du camp de Saint-Denis dans des gymnases d’Ile-de-France. Mais tout le monde n’a pas pu bénéficier d’une place à l’abri. «La préfecture a sous-estimé le nombre de personnes dans le camp», affirmait Yann Manzi, fondateur d’Utopia 56. Résultat, selon les estimations de la mairie de Paris, environ 500 personnes se trouvaient encore en errance dans le nord de la capitale ces derniers jours. L’idée était de les «rendre visibles» ce lundi soir.
Attente d’une solution d’hébergement
Parmi les laissés pour compte, principalement des hommes, jeunes, originaires de pays d’Afrique subsaharienne et d’Afghanistan et, pour la plupart, épuisés par leurs nuits d’errance en petits groupes dans le nord de Paris, entre la porte de la Chapelle et la gare Rosa Parks. «La police nous chasse partout où on s’installe, on veut seulement dormir dans un endroit sûr», affirme Fazal, un Afghan d’une trentaine d’années présent sur place. Au moment de déplier les tentes, les associations promettaient d’y rester «jusqu’à temps qu’on leur donne une solution d’hébergement».
Photo Michael Bunel.
Rapidement, sous les cris des manifestants et des associations, les policiers s’en sont pris aux tentes, les arrachant du sol. Comme un symbole, là encore, des violences subies ces derniers jours par les exilés. «On ne savait pas exactement à quoi s’attendre, on a essayé de faire bloc avec les élus et les avocats», assure-t-on à Utopia 56 où l’on regrette de voir ces personnes dormir de nouveau à la rue lundi soir. «La constitution de tels campements, organisée par certaines associations, n’est pas acceptable. La préfecture de Police a donc procédé immédiatement à la dispersion de cette occupation illicite de l’espace public», ont indiqué dans un communiqué conjoint la Préfecture de police et celle de la région Ile-de-France (Prif). A la mairie de Paris, Ian Brossat a affirmé dans Libération vouloir mettre à disposition le parc des expositions de la porte de Versailles et l’espace Champerret pour les héberger en urgence : «Nous avons transmis tous les détails à la préfecture qui est commanditaire.»
En attendant, la police a dispersé la foule d’exilés et de bénévoles de la place de la République au gaz lacrymogène avant de les poursuivre dans le centre de Paris dans des scènes d’une rare violence. Certains migrants ont pris la fuite, emportant ce qu’ils ont pu avec eux. D’autres ont été la cible de coups de matraque. Des journalistes ont aussi été pris à partie.
«On ne répond pas à la misère par la matraque. La mise à l’abri des migrants du campement de Saint Denis restés à la rue est urgente, indispensable, indiscutable. Il en va de l’honneur de la République française», a regretté lundi soir sur Twitter Delphine Rouilleault, directrice générale de France Terre d’Asile. «Refugiés harcelés, élus nassés et empêchés de se rendre… Place de l’Hôtel de Ville. Voilà où nous en sommes. Honte.», a estimé de son côté Ian Brossat, présent sur place.
Jusque tard dans la nuit, les migrants ne sachant où dormir ont été escortés hors de la capitale par les forces de l’ordre, notamment à Aubervilliers. Depuis plusieurs mois maintenant, les associations présentes sur le terrain dénoncent la répression policière dont elles se disent victimes partout où elles opèrent. Les scènes vécues ce soir, sous le ciel de Paris, en sont la triste preuve.
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